M. DC. XLII. Avec Privilège du Roi.
À PARIS, Chez TOUSSAINT QUINET, au Palais dans la petite salle, sous la montée de la Cour des Aides.
publié par Paul FIEVRE août 2017
© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:20.
À MONSIEUR PRIEUR, PROCUREUR AU PARLEMENT de Paris, et Contrôleur Tiers Référendaire.
MONSIEUR,
Je présente un ouvrage d'un bel esprit à celui dont la suffisance est capable de l'estimer, comme il faut et de lui donner le prix qu'il mérite. L'Auteur m'a permis d'en disposer, et j'ai cru que je ne pouvais mieux présenter cette pièce qu'à vous, puisque vous savez connaître parfaitement l'excellence des belles choses. On croira peut-être que c'est le ressentiment des obligations que je vous ai qui me porte à vous rendre cet hommage, mais encor que je sois parfaitement reconnaissant, je vous prie de croire que je ne le rends pas tant à vos bienfaits qu'à vous-même. Cette rare probité qui vous fait paraître incorruptible dans une profession où la corruption est si commune : cette belle affabilité qui vous fait estimer dans les plus belles compagnies, comme votre intelligence aux affaires, vous fait considérer aux Cours souveraines ; enfin cette grande étendue de coeur qui vous fait aimer tout le monde et moi en particulier, sont les motifs qui m'ont excité à déclarer au public, que les plus rares productions peuvent recevoir un nouveau caractère de mérite paraissant sous votre nom, et que la plus glorieuse qualité que je porte c'est celle de
MONSIEUR,
Votre très humble très obéissant et obligé serviteur,
QUINET.
PERSONNAGES.
VALANTIN, Seigneur du Bourg.
FRANCION, Seigneur Français.
ANSELME, Parasite et confident de Francion.
LAURETTE, Femme de Valantin.
CATHERINE, Servante et Garçon déguisé.
L'HOTESSE, Du logis où demeurait Francion.
LA SERVANTE, De l'hôtellerie.
OLIVIER, Gentilhomme pillé par les Voleurs.
PETIT JACQUES, Capitaine des Voleurs.
MARSAULT, Voleur.
LE PRÉVÔT, Du Bourg.
LE PROCUREUR, Fiscal.
LUBIN, Paysan.
LÉONARD, Paysan.
BERTRAND, Paysan.
La scène est au Bourg la Reine.
ACTE I
SCÈNE I.
VALANTIN.
Amour ne puis-je pas me dire misérable
Puisque tu m'es contraire en m'étant favorable,
Et que je puis ici justement t'accuser
De me donner des biens dont je ne puis user,
5 | Depuis plus de deux mois je possède une femme |
Dont l'aimable beauté lance des traits de flamme.
Et dont je reconnais que les puissants efforts
Peuvent tout sur mon âme et rien dessus mon corps,
Sitôt que je la vois ou lorsque je l'embrasse
10 | Mon ardeur s'alentit je me trouve de glace, |
Je ne puis savoir quel étrange malheur
Change si promptement ma bouillante chaleur,
Je me trouve immobile et plus froid qu'une souche
Je baise ses beaux yeux je pâme sur sa bouche,
15 | Et lors que je devrais m'enivrer de plaisirs |
C'est quand je suis réduit à faire des désirs,
Car loin de contenter mon amoureuse envie
Je meurs du déplaisir de conserver la vie,
Et de ne pouvoir pas faire ce que je veux
20 | Lorsque l'occasion se présente aux cheveux, [ 1 Occasion : Prendre l'occasion aux cheveux, saisir rapidement le moment favorable de faire quelque chose. [L]] |
Car sans dompter enfin l'ennui qui me surmonte
Je blêmis de colère et je rougis de honte,
De ne pas contenter mes brûlantes amours
Lorsque je suis encore aux plus forts de mes jours,
25 | Et que je ne connais aucune défaillance |
Qui doive autoriser une telle impuissance,
Puisque je suis pourvu de tout ce qui me faut
Que la nature en moi n'a point fait de défaut,
Que je me vois aimé de ma chère Laurette
30 | Autant comme je l'aime et que je le souhaite, |
Et qu'un hymen sacré me rendant son époux
Me permet de cueillir ce qu'il a de plus doux,
Ha Dieux ! À ce penser mon mal se rend extrême
Et je souffre un tourment pire que la mort même,
35 | Malheureux Valantin quel crime as-tu commis |
Pour te rendre l'amour et le Ciel ennemis,
Et toi chère beauté mon unique pensée
Rendrai-je ton amour si mal récompensée,
Et que je ne puis pas te faire bientôt voir
40 | Qu'ayant la volonté je manque de pouvoir, |
Encore ce qui m'attriste et tout ce qui me fâche,
C'est la crainte que j'ai que quelqu'un ne le sache,
Puisque si je pouvais découvrir mon tourment
J'en pourrais espérer un prompt allégement
Laurette paraît.
45 | Mais j'aperçois Laurette : ah Dieux qu'elle est aimable |
Que son aspect m'est rude et qu'il m'est agréable.
SCÈNE II.
Valantin, Laurette, Catherine.
LAURETTE, en l'abordant.
Quoi, Monsieur, si matin vous trouver en ces lieux.
VALANTIN.
Ne vous [éton]nez point délices de mes yeux.
LAURETTE, à l'écart.
Le beau nom.
VALANTIN.
Si je viens dedans cette prairie
50 | Chercher un entretien propre à ma rêverie, |
Puisque vous savez bien que ce qui m'y conduit
N'est que le triste état où le sort m'a réduit.
LAURETTE.
Quel est donc votre mal.
VALANTIN en soupirant.
Il n'est que trop visible.
LAURETTE.
Monsieur je n'en sais point qui soit assez sensible,
55 | Pour forcer votre humeur au point où je la vois |
Hé Dieux ! Vous soupirez est-ce à cause de moi.
Embrassez-vous sitôt le souci du ménage
Et vous repentez-vous de notre mariage.
VALANTIN.
Non Madame il n'a rien qui ne me soit fort doux
60 | Et tout mon déplaisir n'est qu'à cause de vous, |
Craignant à tous moments de vous voir malheureuse.
LAURETTE.
Monsieur défaites-vous de cette humeur peureuse,
Et ne me tenez plus de semblables propos
Si vous aimez mon bien comme votre repos,
65 | Car puisque notre hymen joint nos deux coeurs ensemble |
Je bénirai toujours le noeud qui les assemble.
VALANTIN.
Et qui met dans vos bras un malheureux époux.
CATHERINE bas.
Qui n'a rien après tout qui soit digne de vous.
LAURETTE, à l'écart les deux premières.
Si tu veux m'obliger sois un peu plus discrète
70 | Et laisse-moi flatter cet infâme squelette, |
Si vous continuez vous me ferez penser
Que vous ne me parlez qu'afin de vous gausser.
VALANTIN.
Me préserve le Ciel d'en avoir la pensée.
LAURETTE.
Quittez donc ce discours dont je suis offensée,
75 | Et me dictez plutôt pour charmer notre ennui |
Quel divertissement nous prendrons aujourd'hui,
Ayant accoutumé de fuir la solitude
Je ne vous cèle point qu'elle m'est un peu rude,
Et principalement quand je suis dans les champs
80 | Où l'on ne doit songer qu'à bien passer le temps. |
VALANTIN.
Madame proposez, je suivrai votre envie.
LAURETTE.
Parmi tous ces plaisirs où le temps nous convie,
Pas un ne me déplaît et je les aime tous.
VALANTIN.
Vous n'avez qu'à choisir.
LAURETTE.
Je m'en remets à vous.
VALANTIN.
85 | Et bien goûterons-nous du plaisir de la chasse. |
LAURETTE.
Oui : mais.
VALANTIN.
Je connais bien que vous en êtes lasse
Et que celle d'hier.
LAURETTE.
Ah ! Monsieur nullement,
J'irai si vous voulez.
VALANTIN.
Non faisons autrement,
Allons nous promener.
LAURETTE.
Le chaud nous en empêche.
VALANTIN.
90 | Prenons donc sans sortir le plaisir de la pêche, |
Et pour avoir le frais allons vers le vivier
Et faisons y jeter quelques coups d'épervier. [ 2 Épervier : Sorte de filet à prendre du poisson. [FC]]
LAURETTE.
C'est le meilleur dessein que nous eussions pu prendre
Allons.
VALANTIN.
Ne pressez rien.
LAURETTE.
Que voulez-vous attendre.
VALANTIN.
95 | Un moment seulement pour nous faire apprêter |
Quelques provisions pour y faire porter,
Afin que nous goûtions sur l'aimable verdure
Tous les contentements que donne la nature,
Et que nous y puissions après un tel festin
100 | Passer plus doucement le reste du matin. |
LAURETTE.
Puisque comme son corps son esprit est malade
Le plaisir qu'il promet vous semblera bien fade.
VALANTIN.
Que dis-tu ?
CATHERINE.
Qu'il fait bon dessus des gazons verts
Goûter en folâtrant mil plaisirs divers,
105 | Et qu'il n'est rien encor qui charme davantage |
Que d'être à couvert sous un sombre feuillage,
Où malgré les rayons du Soleil et du jour
Chacun n'est échauffé que des traits de l'amour.
VALANTIN.
Pour faire concevoir ce plaisir à l'extrême
110 | Dire qu'il faut être encor proche de ce qu'on aime, |
Puisque quoi qu'il en soit nous ne chérissons rien
Quand nous ne voyons point notre souverain bien.
LAURETTE, bas.
Et c'est ce qui me rend ton aspect méprisable
Puisque je n'y vois point ce que j'y trouve aimable,
115 | Ce Soleil de mes yeux ce Francion charmant |
Qui cause mon plaisir comme toi mon tourment,
Mais nous tardons beaucoup.
VALANTIN.
Pardonnez-moi Madame,
Je crains en vous quittant d'abandonner mon âme.
CATHERINE, bas.
Ayant atteint quasi la dernière saison
120 | Il a peur de mourir c'est avecque raison. |
VALANTIN.
Mais je vais de ce pas revenir tout à l'heure.
LAURETTE.
Allez ne tardez point faites peu de demeure. [ 3 Demeure : retard, délai [L]]
SCÈNE III.
Laurette, Catherine.
LAURETTE.
Me voyant endurer jusques au dernier point
Catherine à la fin ne me plaindras-tu point,
125 | Ne donneras-tu pas des soupirs à mes larmes |
Ne m'aideras-tu point en de telles alarmes,
Et suivant le secours que j'espère de toi,
N'auras-tu point de soin ni de pitié de moi.
Tu sais que ce Trithon m'est bien plus exécrable [ 4 Tithon : Prince troyen, fils de Laomédon, et frère de Priam, était si beau que l'Aurore l'enleva pour en faire son époux. [B]]
130 | Que mon jeune Adonis ne me semble adorable, [ 5 Adonis : garçon extrêmement beau. [L]] |
Et qu'en me le donnant mes plus proches parents
En pensant m'obliger ont été mes Tyrans.
CATHERINE.
Oui, Madame, il est vrai vous êtes bien à plaindre,
Et j'ignore comment vous vous pouvez contraindre,
135 | Jusqu'au point de flatter ce vieux spectre vivant |
Qui n'est que le portrait d'un fantôme mouvant.
LAURETTE.
Tu sais que pour cacher le feu que j'ai dans l'âme
Il est bon de flatter.
CATHERINE.
Oui je le sais Madame,
Mais je m'étonne encor comme vous l'avez pris
140 | Puisque d'un autre objet votre coeur est épris. |
LAURETTE.
Tu sauras que l'affaire était presque conclue
Et qu'à ce mariage on m'avait résolue,
Lorsqu'un puissant démon que je ne connais pas
Me fit voir Francion pourvu de tant d'appas,
145 | Qu'à son premier abord je demeurai surprise |
Mon âme par ses yeux lui donna ma franchise,
Et pour le faire court je fus au même jour
De libre que j'étais une esclave d'amour.
CATHERINE.
M'ayant déjà rendu votre amour manifeste
150 | Madame vous devez m'en déclarer le reste, |
Et me conter ici sans crainte de témoins
Comme vint cet amour en y pensant le moins.
LAURETTE.
En deux mots seulement je te vais satisfaire
J'étais dedans Paris ma demeure ordinaire,
155 | Lorsque tous mes parents pressés pas Valantin |
Ou plutôt par l'arrêt de mon mauvais destin,
M'accordèrent à lui sous le joug d'hyménée
Et j'approchais déjà cette triste journée
Quand ma mère me dit qu'il fallait allez voir
160 | Quelques chaînes de prix que je voulais avoir, |
Ce que lui promettant sans autre résistance
Beaucoup moins par amour que par obéissance,
Dès le même moment Valantin nous mena
Pour avoir ces joyaux qu'enfin il me donna :
165 | Mais tu remarqueras que cette belle chaîne |
Fut le charmant objet de celle qui me gêne,
Qu'elle fut le témoin de ma captivité
Et que bientôt après je fus sans liberté :
Car à peine avons-nous entré dans la boutique
170 | D'un marchand qui logeait vers la place publique, |
Que nous vîmes entrer aussitôt avec nous
Un homme dont les traits me parurent si doux,
Qu'à son premier aspect mon âme fut émue
Elle brûla soudain d'une flamme imprévue,
175 | Et sans pouvoir nommer l'instinct qui la causait |
Plus j'en voyais l'objet et plus il me plaisait.
CATHERINE.
Était-ce Francion.
LAURETTE.
Oui chère Catherine
C'est lui qui me parût d'une grâce divine,
D'un port majestueux et tel qu'étaient les Dieux
180 | Quand amour les forçait d'abandonner les Cieux. |
CATHERINE.
Quel sujet l'amenait.
LAURETTE.
Ce fut ma seule vue
Car m'ayant rencontré dans la prochaine rue,
Il me suivit des yeux jusqu'à tant qu'il me vit
Entrer chez le marchand où son oeil me ravit.
CATHERINE.
185 | Mais enfin que fit-il, dites-moi je vous prie. |
LAURETTE.
Il se servit alors d'une grande industrie,
Car feignant d'acheter un fort beau diamant
Il m'aborda sans peine et fort facilement.
CATHERINE.
Si bien que vous pourriez dire avec assurance
190 | Ignorant d'où vos feux auraient pris leur naissance, |
Qu'il se servit alors de quelque enchantement
Pour gagner votre esprit avec un diamant.
LAURETTE.
Qu'il m'éblouit les yeux par l'éclat d'une pierre
Comme quand le Soleil réfléchit sur du verre,
195 | Car ses yeux pleins de feux qu'il me voulait bailler |
Frappaient le diamant et le faisaient briller :
Mais je vois Valantin, à tantôt Catherine.
CATHERINE.
Courez donc au-devant et faites bien la fine,
Si tu reconnaissais mon sexe et mon dessein
200 | Tu cacherais l'ardeur qui règne dans ton sein. |
SCÈNE IV.
Petit Jacques, Marsault, Olivier, et leur suite.
PETIT JACQUES.
Ne tiens plus les discours dont tu nous importunes
Songe au bien qui t'attend plus qu'à nos infortunes,
Montre-nous des essais de générosité
Et fais une vertu de la nécessité,
205 | Sache que comme toi nous sommes Gentilshommes |
Que nous aimons l'honneur tout voleurs que nous sommes,
Que nous n'ôtons jamais ce qu'on nous veut donner
Et qu'il n'est rien en nous qu'on puisse condamner,
Si nous prenons des biens on nous a pris des nôtres
210 | Le mal qu'on nous a fait nous le faisons aux autres, |
Et pour tout dire enfin dans cette extrémité,
Nous rendons aujourd'hui ce qu'on nous a prêté,
Sache que j'ai suivi plus de vingt ans les armes
Que j'ai paru sans peur au milieu des alarmes,
215 | Que j'ai longtemps servi ma patrie et mon Roi |
Mais que depuis six mois je ne sers plus que moi.
Qu'après avoir mangé tout mon fait à l'armée [ 6 Fait : Il se dit aussi familièrement De la part qui appartient à quelqu'un dans un total. Il faut leur donner à chacun leur fait, pour en disposer comme ils voudront. [Acad. 1762]]
Je ne me repais plus d'une vaine fumée,
Et que j'aime bien mieux tenter mille hasards
220 | Dessus les grands chemins que dans le champ de Mars. |
OLIVIER.
Oui, Monsieur, ce métier est bien plus profitable
Mais avouez pourtant qu'il est moins honorable,
Et qu'il est mal aisé quoiqu'on gagne beaucoup
Qu'un homme comme moi l'exerce au premier coup.
PETIT JACQUES.
225 | Au contraire l'ami tout homme de courage |
Embrasse avec ardeur le meurtre et le carnage
Il s'y porte aisément quand il s'y voit contraint
Et mépriser l'honneur bien plus qu'il ne la craint,
Moi-même j'en ai fait et l'épreuve et l'exemple
230 | J'ai dérobé d'abord jusques dedans le temple. |
J'ai tué des passants j'ai volé des marchands
J'ai pillé dans la ville autant que dans les champs,
En portant la terreur en plus de cent familles
J'ai forcé bien souvent des femmes et des filles.
OLIVIER, bas.
235 | Les belles actions. |
PETIT JACQUES.
Mais laissant ce discours |
Apprends que nous avons besoin de ton secours.
OLIVIER.
Pourquoi.
MARSAULT.
Pour faire un vol dans la maison prochaine.
OLIVIER.
Comment.
MARSAULT, feignant d'être en colère.
Que dis-je.
PETIT JACQUES.
Rien, ne t'en mets pas en peine,
Nous avons là-dedans un jeune homme de coeur
240 | Qui bravant le péril aussi bien que la peur |
Pour aider au dessein que nous avons dans l'âme
A pris depuis deux mois les habits d'une femme,
Il y feint de servir, et se cache si bien
Que tous ceux du logis n'en reconnaissent rien.
OLIVIER, bas.
245 | Feignons donc comme lui puisqu'il est bon de feindre. |
MARSAULT.
Réponds.
OLIVIER.
Je suis à vous, vous ne devez rien craindre.
PETIT JACQUES.
Mais notre Agent s'approche.
OLIVIER.
Ah ! Quelle trahison ?
SCÈNE V.
Catherine, Petit Jacques, Olivier, Marsault.
LAURETTE.
Je n'ai jamais pensé sortir de la maison
Et si je n'eusse usé d'une grande finesse
250 | Je n'eusse pu quitter notre feinte maîtresse. |
MARSAULT.
Et bien quand pourrons-nous voler ce grand trésor ?
PETIT JACQUES.
Sera-ce sur le soir.
CATHERINE.
Il faut attendre encor.
Car dedans peu de temps ainsi que je l'espère.
PETIT JACQUES.
Tu remets tous les jours.
CATHERINE.
Hé bien, qui puis-je faire,
255 | Ne vaut-il pas bien mieux attendre un peu de temps, |
Que de nous voir frustrer honteux et mal contents.
PETIT JACQUES.
Si nous étions traités, comme toi chez un maître,
Rien ne nous presserait.
CATHERINE.
Tu le seras.
PETIT JACQUES.
Peut-être.
CATHERINE.
Tu n'en dois point douter. Mais dis-moi cher ami,
260 | Quel est ce compagnon qui paraît endormi |
L'on dirait à le voir qu'il serait immobile.
PETIT JACQUES.
Cher frère tel qu'il est, il nous est fort utile.
CATHERINE.
Mais où l'as-tu donc pris.
PETIT JACQUES.
Tu le sauras tantôt
N'en dis mot seulement, voilà ce qu'il nous faut.
CATHERINE.
265 | Pourvu qu'il ait des yeux des mains et des oreilles |
Étant avec nous il fera des merveilles.
OLIVIER.
Oui Monsieur, j'ai le bien d'avoir des qualités.
CATHERINE.
J'en conçois quelque espoir.
OLIVIER.
Que si vous en doutez
L'effet quand vous voudrez pleigera ma parole. [ 7 Pleiger : Cautionner en Justice, répondre pour quelqu'un, et s'obliger de payer le jugé. [F]]
MARSAULT.
270 | Hé bien qu'en dites-vous. |
CATHERINE.
Qu'il est assez bon drôle. |
OLIVIER.
Oui ma foi je le suis.
CATHERINE.
Mais je sors de ce lieu
Sers-nous fidèlement.
PETIT JACQUES.
Jusqu'au revoir.
CATHERINE.
Adieu.
SCÈNE VI.
Francion, Anselme.
FRANCION.
Ne m'en détourne point fais ce que je désire,
Je suis venu trop loin pour m'en pouvoir dédire,
275 | Et malgré tes discours je suis trop bien sensé |
Pour quitter un dessein que j'ai bien commencé,
Quand il m'en coûterait et l'honneur et la vie
Je verrai cet objet dont mon âme est ravie,
Et serai trop content si mon déguisement
280 | Me fait avoir le bien de la voir un moment. |
Pas un ne me connaît et dedans ce village
Tout rit à mes souhaits et me donne courage
Car outre ma finesse et mes habillements
Ces fioles ces outils, et ces médicaments
285 | Dont l'on m'a tantôt dit l'usage et la pratique |
Me feront estimer un fameux Empirique, [ 8 Empirique : Qui ne s'attache qu'à l'expérience dans la Médecine, et qui ne suit pas la méthode ordinaire de l'Art. [Acad 1762]]
Ainsi je pourrai voir avec facilité
Celle que mon rival tient en captivité,
Je pourrai lui parler sans nulle défiance
290 | Allant voir Valantin pour avoir sa puissance, |
De prendre en son pays le nom d'Opérateur
Et d'y faire un métier.
ANSELME.
Qui perdra son Auteur.
FRANCION.
Que si tu tiens encore ce dessein pour infâme
Sache pour m'exempter de reproche et de blâme,
295 | Que Jupiter jadis pour un sujet moins beau |
Prit tout Dieu qu'il était la forme d'un Taureau.
ANSELME.
Dites sans vous couvrir de ce prétexte honnête
Qu'Amour fait aisément d'un amant une bête
Qu'il prive de raison tous ceux qu'il a vaincus.
FRANCION.
300 | Il dompte tous les Dieux. |
ANSELME.
Exceptez en Bacchus, |
Révérez avec moi ce grand Dieu des Bouteilles,
Qui produit tous les jours de si rares merveilles,
Et qui me fait jouir avec fort peu d'efforts
D'un plaisir qui pourrait ressusciter des morts,
305 | C'est avec ce grand Dieu que l'on a point de crainte |
Que l'on ne fait jamais de regrets ni de plainte,
Que l'on ne connaît point l'usage des soupirs
Et qu'on peut tous les jours contenter ses désirs.
FRANCION.
Laisse tous ces discours Anselme je te prie,
310 | Cesse de te railler. |
ANSELME.
Si faut-il que je rie, |
Ou vous n'aurez jamais de repos avec moi.
FRANCION.
Oui, parce que tu sais que j'ai besoin de toi.
ANSELME.
Bien je ne dirai mot. Mais achevez de grâce,
Le discours dont hier nous quittâmes la trace.
FRANCION.
315 | Si je m'en ressouviens, je t'ai déjà conté |
Comme je vis Laurette avec subtilité,
Et comme j'achetai pour m'approcher près d'elle
Une Bague de prix qu'elle trouva fort belle.
ANSELME.
Oui, Monsieur il est vrai, vous m'avez dit cela,
320 | Et m'avez raconté comme elle s'en alla. |
FRANCION.
Pour donc avoir encor le bonheur de sa vue,
Je demandai son nom sa demeure et sa rue.
ANSELME.
À qui cela Monsieur.
FRANCION.
Au Marchand où j'étais.
ANSELME.
Hé bien vous le dit-il, fut-il assez courtois.
FRANCION.
325 | Oui, je fus satisfait, et j'appris davantage |
Qu'elle était accordée avec un homme d'âge,
Qui tâchant de se rendre agréable à ses yeux
Lui venait d'acheter des joyaux précieux.
ANSELME.
Enfin que fîtes-vous.
FRANCION.
Sachant donc sa demeure
330 | Désireux de la voir j'y fus dès la même heure. |
Mais le malheur voulut que l'on me la cela
Et je ne la vis pas qu'à quinze jours de là.
ANSELME.
Mais lui parlâtes-vous.
FRANCION.
Oui.
ANSELME.
Mais de quelle sorte.
FRANCION.
Comme un jour je passais, je la vis sur sa porte,
335 | Et lors pour l'accoster avec quelque raison |
Je lui vins demander si près de sa maison
Il ne demeurait point un nommé Périandre.
Ce qu'enfin ne pouvant aucunement m'apprendre,
Je changeai de discours et comme tout surpris
340 | Je la remerciai du soin qu'elle avait pris, |
Lors elle me répond. Mais avec un langage
Qui m'obligea d'abord d'en dire davantage.
Car pour le faire court, je lui dis mon dessein
Je reconnus l'ardeur qu'elle avait dans le sein.
345 | Elle-même m'apprit son funeste Hyménée |
Me promit de la voir la première journée,
Où n'ayant point manqué j'appris que son époux
Était d'un naturel et barbare et jaloux,
Et que le lendemain cet homme tout sauvage
350 | L'emmenait pour longtemps vivre dans son village. |
ANSELME.
Bref.
FRANCION.
Après cent discours elle me dit adieu
Et me pria surtout de venir en ce lieu
Mais si bien déguisé qu'on ne me put connaître.
ANSELME.
Voilà qui va fort bien. Mais que vois-je paraître.
FRANCION.
355 | C'est l'hôtesse qui vient la serviette à la main. |
SCÈNE VII.
Francion, Anselme, L'Hôtesse.
L'HOTESSE.
Le déjeuner est prêt.
ANSELME.
Aurons-nous de bon vin.
L'HOTESSE.
Oui Monsieur, le meilleur de toute la contrée.
ANSELME.
Qu'avez-vous, préparés.
L'HOTESSE.
Vous aurez pour l'entrée
Un dindon, deux perdrix, avec un gras chapon.
ANSELME.
360 | Mais vous ne parlez point de membre de mouton. |
N'en avez-vous pas mis.
L'HOTESSE.
Non.
ANSELME.
Mettez-en de grâce
Avec un aloyau des plus gras de sa race.
L'HOTESSE.
Nous n'avons qu'un mouton que l'on vient d'égorger
Il est encor tout chaud.
ANSELME.
Qu'on m'en donne à manger.
L'HOTESSE.
365 | Mais il sera bien dur. |
ANSELME.
Je le trouverai tendre |
Donnez ne feignez point, je ne saurais attendre.
L'HOTESSE.
Monsieur vous vous moquez.
ANSELME.
Non Madame j'en veux.
L'HOTESSE.
Ce que j'ai préparé suffira pour vous deux
Et puis un tel manger n'est pas trop délectable.
ANSELME.
370 | N'importe mettez-en, je mangerais le Diable, |
Quoi qu'il en soit mes dents ne s'en casseront point
Et je n'en ferai point élargir mon pourpoint,
J'ai le ventre plus creux qu'une basse de viole
J'ai dedans plus de vents que n'en retient Éole
375 | Et... |
FRANCION.
Finis ces discours dont tu nous étourdis |
Ah ! Dieux les beaux tétons qu'ils sont bien rebondis.
Quoi qu'il puisse arriver il faut que je les baise.
L'HOTESSE.
Oui vraiment il le faut, vous parlez à votre aise.
Arrêtez-vous ? Aga. [ 9 Aga : Interjection admirative.[F]]
ANSELME.
Que ce plaisir m'est doux
380 | Il faut recommencer. |
L'HOTESSE.
Là Monsieur tenez-vous. |
Vous n'êtes pas boucher pour tant tâter la viande.
FRANCION.
Non mais je l'aime bien.
ANSELME.
La petite friande
Monsieur sortons d'ici, car tout se refroidit.
FRANCION.
Allons je le veux bien.
ANSELME.
Faites ce que j'ai dit.
L'HOTESSE.
385 | Bien, mais je vais toujours faire mettre sur table. |
FRANCION.
Anselme qu'elle est belle.
L'HOTESSE.
Ah ! Dieux qu'elle est aimable.
ACTE II
SCÈNE I.
L'Hôtesse, La Servante.
L'HOTESSE.
Les as-tu vus sortir ont-ils changé d'habits.
LA SERVANTE.
Oui Madame il est vrai comme je vous le dis.
L'HOTESSE.
Ils ont quelque dessein que je ne puis connaître
390 | Mais d'où les as-tu vus. |
LA SERVANTE.
J'étais à la fenêtre. |
L'HOTESSE.
Quel chemin tiennent-ils.
LA SERVANTE.
Ils vont vers le château
Et marchent doucement le nez dans le manteau,
Mais Madame en tout cas vous avez de bons gages
Leurs chevaux leurs habits, et tout leurs équipages,
395 | Valent bien pour le moins ce qu'ils ont dépensé. |
L'HOTESSE.
Je n'estime rien moins que ce qu'ils ont laissé
Et si tu connaissais. Mais cachons notre faute.
LA SERVANTE.
Madame je vois bien que vous aimez notre hôte.
L'HOTESSE.
Il est vrai.
LA SERVANTE.
Mais au moins laissez-moi son valet.
L'HOTESSE.
400 | Va ne te moque point, le parti n'est pas laid |
N'est-il pas en bon point ? N'a-t-il pas bonne mine.
LA SERVANTE.
Et principalement dedans une cuisine.
C'est là qu'il sait paraître avec un grand éclat,
Et qu'il sait nettoyer adroitement un plat
405 | Jamais je n'en ai vu qui lui soit comparable. |
Il a mangé lui seul tous les mets de la table,
Et pout tout dire en fin il a tant bu de vin,
Que celui qui servait en a mal à la main.
L'HOTESSE.
Mais tu l'aimes pourtant, quoi que tu veuilles dire.
LA SERVANTE.
410 | Ma foi c'est un galant, il a le mot pour rire. |
Et je fais tant d'état de sa joyeuse humeur
Que je l'aime.
L'HOTESSE.
Ah ! Vraiment tu lui fais trop d'honneur
Et sitôt qu'il viendra dans cette hôtellerie
Je lui ferai savoir.
LA SERVANTE.
Madame je vous en prie
415 | Vous me ferez plaisir. |
L'HOTESSE.
Au moins nous en rirons, |
Mais pour moi je ne sais ce que nous résoudrons.
LA SERVANTE.
Madame commandez, je vous suis toute acquise.
L'HOTESSE.
Viens je te conterai quelle est mon entreprise.
SCÈNE II.
Valantin, Francion, Anselme, en habits d'Opérateur.
VALANTIN.
Oui, demeurez mon maître, en toute liberté.
FRANCION.
420 | Vous m'obligez beaucoup sans l'avoir mérité. |
VALANTIN.
Je ferais plus pour vous si je le pouvais faire.
FRANCION.
Comment après cela puis-je vous satisfaire.
VALANTIN.
Si vous voulez vous mettre au rang de mes amis
Faites-moi le récit que vous m'avez promis.
FRANCION.
425 | Monsieur, je vous dirai, s'il vous plaît de m'entendre |
Que le désir de voir aussi bien que d'apprendre,
Me fit abandonner dès l'âge de quinze ans
Le lieu de ma naissance et mes plus chers parents,
D'abord cette Province en merveille féconde
430 | L'honneur de l'univers la maîtresse du monde, |
L'Italie en un mot par des secrets appas
Attira puissamment et mon coeur et mes pas,
Et je me disposais pour y passer ma vie
Lorsqu'un nouveau dessein m'en fit perdre l'envie,
435 | Je quittai donc porté d'un désir curieux |
Ce climat si charmant et si délicieux,
Ensuite m'étant mis sur un vaisseau de Gênes,
J'arrivai sans péril et sans beaucoup de peines,
Sur les côtes d'Espagne où l'Èbre si fameux
440 | Rend tribut à la mer de ses flots écumeux, |
Je ne demeurai guère en cette ingrate terre
Pour aller visiter l'agréable Angleterre,
La guerrière Hollande, et ces champs que le cours
Du Renommé Danube engraisse tous les jours.
ANSELME.
445 | Qu'il est judicieux, qu'il a bonne mémoire |
Qu'il ment bien à propos et qu'il en fait accroire,
Puissé-je devenir un célèbre mâtin [ 10 Mâtin : Espèce de chien de garde. [FC]]
S'il a jamais passé Vaugirard ou Pantin.
FRANCION.
Assez près de sa source.
ANSELME.
Où les ânes vont boire.
FRANCION.
450 | S'élève une forêt aussi vieille que noire |
Et qui servait d'asile aux antiques Germains
Quand ils étaient pressés par les soldats Romains,
Là dedans loin du bruit et de l'inquiétude
Un vieillard allemand s'appliquait à l'étude
455 | Et sans être jaloux du bonheur des Césars |
Occupait son esprit à cultiver les arts,
Tout ce qui voit le jour tout ce qui prend naissance
Tombait évidemment dessous sa connaissance,
Il savait la vertu des moindres végétaux
460 | Et discourait des mieux du pouvoir des métaux, |
Il était bien versé dedans l'Astrologie
Et pratiquait souvent cette honnête Magie.
Qui peut sans offenser le souverain des Dieux
Étonner la Nature et charmer tous les yeux.
ANSELME.
465 | Monsieur vous oublier le plus considérable |
Car il jetait les dés d'une adresse admirable,
Attaquait un jambon d'un effort plus qu'humain
Et vidait tout d'un trait quatre pintes de vin.
FRANCION.
Surtout il excellait dedans la médecine
470 | Cette profession éminente et divine, |
Qui maintient la santé dans les plus faibles corps
Et nous défend si bien contre le Dieu des morts,
Il savait mieux qu'aucun quelle herbe est abstersive
Quelle ouvre les conduits quelle est dessiccative
475 | Quelle par sa chaleur mûrit les crudités |
Quelle dissout le flegme, et les viscosités
Quelle purge le sang, quelle chasse la bile
Quelle astreint ou digère, et quelle désopile,
Et sans rien observer que l'urine et le pouls
480 | Découvrait tous les maux qui s'attachent à nous, |
Il guérissait la fièvre intermittente hectique [ 11 Hectique : Terme de Medecine. C'est une épithete qui se donne à une sorte de fievre qui est presque incurable. [F]]
Ainsi que l'éphémère et la symptomatique.
Par le moyen d'une eau très agréable au goût
Bénigne en ses effets et de fort peu de coût,
485 | Il soulageait bientôt la prompte apoplexie |
L'incube dangereux la triste épilepsie, [ 12 Incube : est aussi une maladie qui est causée d'une oppression d'estomac si grande, qu'on ne peut respirer ni parler. [F]]
Mais surtout il avait des secrets de haut prix
Pour combattre le mal que l'on prend chez Cypris. [ 13 Cypris : Qui signifie proprement une femme de Cypre, mais qui ne se dit que de Vénus, à qui cette Isle étoit consacrée. [T]]
ANSELME.
Monsieur vous en parlez et par expérience
490 | Il exerça sur vous ses secrets d'importance, |
Je crois bien que sans lui vous eussiez eu besoin
D'aller jusqu'en Syrie et peut-être plus loin.
FRANCION.
Il composait d'un baume à fermer les blessures,
D'un onguent souverain pour toutes les brûlures,
495 | D'un emplâtre gommeux à mettre sur le sein |
Et d'un savon musqué pour nettoyer la main.
ANSELME.
Surtout il entendait la physionomie
Il se mêlait aussi de souffler l'Alchimie
Et quand on lui donnait un malheureux douzain [ 14 Douzain : Monnaie de cuivre avec quelque alliage d'argent valant un sou, ou douze deniers tournois. [T]]
500 | Il devinait des mieux en regardant la main, |
Il fixait le mercure en disant trois paroles
Et même fabriquait des mauvaises pistoles,
Il voulut m'enseigner ce métier merveilleux.
Mais je lui remontrai qu'il était périlleux
505 | Que quiconque l'exerce est sujet à la corde |
Et que pour lui les lois sont sans miséricorde.
FRANCION.
Ne veux-tu pas te taire insolent effronté.
ANSELME.
On qualifie ainsi qui dit la vérité.
VALANTIN.
Ô Dieux ! Le rare esprit.
FRANCION.
Cet homme vénérable
510 | Employant à m'instruire un soin incomparable, |
Je devins si savant en moins de quinze mois
Que je l'égalais bien, si je ne le passais,
Après qu'il m'eût montré sa doctrine profonde
Je sortis de chez lui pour courir tout le monde,
515 | Et contenter mes yeux de tant d'objets divers |
Qu'en supporte la terre, et qu'enfermaient les mers,
J'aurais trop de sujet pour emplir cent volumes
Si je voulais parler des forces des Coutumes,
De l'ordre Politique, et des Religions
520 | Que tiennent aujourd'hui toutes les Nations, |
Il suffit que j'ai vu des montagnes brûlantes
Des abîmes sans fonds, et des Îles flottantes,
Que je me suis trouvé mais non pas sans travaux
Chez des peuples polis et des peuples brutaux,
525 | Que j'ai senti l'ardeur qui déserte l'Afrique |
Enduré les hivers qui sont sous l'Antarctique,
Et fait plus de chemin que ce fameux vaisseau
Dessus qui Magellan tourna la terre et l'eau.
ANSELME.
Quoi qu'il raconte ici de son rare mérite
530 | Il n'a jamais rien fait qu'écumer la marmite, |
Que garder les tisons, et battre le pavé.
FRANCION.
Il n'est point de secrets que je n'aie éprouvés
Mais pour tirer du fruit de mes fâcheux voyages,
Je conférai longtemps en Perse avec les Mages
535 | Dans l'Inde Orientale avec les Braquemanes |
Et dans la basse Asie avec les Talismanes,
Je fis en mille endroits des cures fort célèbres
Au Prince de Congo je remis les Vertèbres,
Je conservai la vue au Roi de Cananor
540 | J'ôtai la sciatique au superbe Mogor, |
Je pansai le Négus d'un ulcère incurable, [ 15 Ulcère : Dans le XVIIe siècle, l'usage hésitait sur le genre de ce mot. M. Chapelain condamne ceux de la cour qui ont fait ulcère féminin ; il est masculin, VAUGEL. Rem. not. Th. Corn. t. II, p. 615, dans POUGENS. [L]]
Et guéris le grand Kan, d'un abcès incroyable,
Enfin je débitai mes remèdes puissants
En la splendide Cour du Sophi des Persans. [ 16 Sophi : Nom qu'on donnait autrefois dans l'Occident au schah de Perse. [L]]
ANSELME, bas.
545 | Il me souvient encore que depuis dans Mycènes |
Il guérit un pourceau d'une grande migraine,
Qu'il pansa pour le moins dix chevaux du farcin [ 17 Farcin : Maladie des chevaux, ou des boeufs. Le farcin se gagne aisément, et est une vraie peste pour les chevaux. [F]]
Et qu'il remit aussi la cuisse d'un poussin.
FRANCION.
Lors que le Grand Seigneur assiégeait en personne
550 | Sur l'Euphrate campé, la forte Babylone, |
Il advint par malheur qu'un boulet de canon
Frappa son Grand Vizir au-dessous du sternon. [ 18 Sternon : Terme de Medecine. Le devant de la poitrine ou du thorax, où aboutissent les côtes. [F] On écrit maintenant Sternum.]
Chacun le croyait mort, on voyait ses entrailles
Et on lui préparait de belles funérailles.
555 | Lorsque je le frottai de mon baume excellent |
Tout à l'heure son mal devint moins violent,
Le quatrième jour il visita l'armée
Qui fut par ce spectacle au dernier point charmée,
Et confessa tout haut que mon médicament
560 | Opérait sur les corps miraculeusement. |
VALANTIN.
Vous méritez encor de plus grandes louanges
Je crois que votre esprit tient de celui des Anges,
Et que les justes Dieux vous ont conduit ici
Pour alléger ma peine et finir mon souci.
565 | Mais Laurette s'approche ô venue importune |
Pouvait-il m'arriver une pire infortune.
FRANCION.
C'est elle je la vois cet objet nonpareil
Qui m'éblouit les yeux comme un autre soleil,
Que de divins appas, que d'adorables choses
570 | Que d'extrêmes beautés que de lys et de roses |
Toi qui mis autrefois son portrait dans mon sein
Amour fais prospérer mon généreux dessein.
SCÈNE III.
Valantin, Francion, Anselme, Laurette.
VALANTIN.
Madame venez voir un homme incomparable.
FRANCION.
Ah Monsieur je n'ai rien qui soit considérable
575 | Si ce n'est le désir que j'ai de vous servir |
Et cela m'est un bien qu'on ne me peut ravir.
LAURETTE.
Puisque vous l'estimez il est digne de gloire
Je crois qu'il vaut beaucoup.
VALANTIN.
Vous le pouvez bien croire.
FRANCION.
Si cet homme me loue au lieu de me haïr
580 | Est-il rien désormais qui me puisse trahir. |
VALANTIN.
Je lui viens maintenant d'octroyer la puissance
De débiter ici ses secrets d'importance,
Et d'y faire deux mois un honnête trafic
Qui ne saurait tourner qu'au profit de public.
FRANCION.
585 | Si mes secrets dans peu ne trouvent point de bornes |
Nous verrons sur ton front une forêt de cornes.
LAURETTE.
Mais encore qu'a-t-il donc.
VALANTIN.
Des secrets sans égaux
Pour guérir promptement toutes sortes de maux,
Il est des plus savants qui soient dedans la France.
590 | Il sait parler de tout avec expérience, |
Et vient si bien à bout de ce qu'il entreprend
Qu'il se fait admirer du plus indifférent,
Il a vu les pays les plus déserts du monde
Et bref son éloquence est tellement féconde
595 | Que lorsqu'il m'a conté le chemin qu'il a fait. |
J'ai demeuré ravi surpris et satisfait.
LAURETTE.
Il est donc Médecin.
ANSELME.
N'en soyez plus en peine
Madame il est Docteur de la Samaritaine.
LAURETTE.
Et par conséquent donc grand arracheur de dents.
FRANCION.
600 | Oui Madame, et j'en ai plus de cent là-dedans, |
Qui sont d'une grosseur toute prodigieuse.
LAURETTE.
De grâce montrez-les.
FRANCION.
La chose est curieuse
Et bien digne de voir tant pour sa rareté
Comme pour faire foi de ma dextérité,
605 | J'ai tout seul le secret de les tirer sans peine |
Tous les autres n'en font qu'une promesse vaine.
Et l'on sait qu'à Paris Carméline et du Pont
Ne tiennent que de moi la science qu'ils ont.
Mais voyez s'il vous plaît.
LAURETTE.
Ah ! Dieux quelle abondance.
FRANCION.
610 | Jugez après cela de mon expérience. |
LAURETTE.
Mais qu'est cela dedans.
FRANCION.
D'un jus fort précieux
Pour conserver la vue et nettoyer les yeux.
LAURETTE.
Et là-dedans encor.
FRANCION.
Non c'est d'une pommade
Qui peut rendre charmant le teint du plus malade.
LAURETTE.
615 | Ici dedans Monsieur. |
FRANCION.
Ce sont quelques senteurs. |
LAURETTE.
Là.
FRANCION.
D'une eau pour ôter les tâches de rousseurs.
LAURETTE.
Et dedans ce papier.
FRANCION.
Ce sont quelques tablettes.
LAURETTE.
Et ceci dites-moi.
FRANCION.
Ce sont des savonnettes
Qui sont pour nettoyer et pour blanchir la main.
LAURETTE.
620 | Et là. |
FRANCION.
C'est d'une poudre à mettre dans le vin. |
LAURETTE.
Ici.
FRANCION.
D'un onguent vert qu'on met sur les brûlures.
LAURETTE.
En ce coin.
FRANCION.
C'est d'un baume à fermer les blessures.
LAURETTE.
Et là.
FRANCION.
C'est de la poudre à faire éternuer.
LAURETTE.
Là.
FRANCION.
C'est du vif argent.
ANSELME.
Propre à faire suer.
LAURETTE.
625 | Et dedans ce milieu. |
FRANCION.
Des essences de Rome. |
LAURETTE.
Et là-dessous Monsieur.
FRANCION.
Des chapelets de baume.
LAURETTE.
Et ces petits carrés dites-moi ce que c'est.
FRANCION.
Ce sont des muscadins prenez-en s'il vous plaît
Ils donnent une odeur agréable à la bouche.
LAURETTE.
630 | Combien les vendez-vous. |
FRANCION.
Qu'aucun soin ne vous touche. |
VALANTIN.
Mais je vais commander qu'on dresse le repas.
Mon maître demeurez je reviens de ce pas,
Je veux que nous dînions aujourd'hui tous ensemble.
FRANCION.
Bien Monsieur je ferai tout ce que bon vous semble.
SCÈNE IV.
Laurette, Francion, Anselme.
FRANCION.
635 | Maintenant que je suis sans nul empêchement |
Madame dites-moi pour parler librement
S'il ne vous souvient point d'avoir vu mon visage.
LAURETTE.
Mais vous à quel propos me tenir ce langage.
FRANCION.
Madame c'est afin de vous faire savoir
640 | Que je ne viens ici qu'afin de vous y voir, |
Que si vous me blâmer d'avoir eu trop d'audace
C'est de vous seulement que j'implore ma grâce,
Songez qu'en ce péché que vous avez causé
Je ne suis criminel que pour avoir osé,
645 | Et que vous ne sauriez accuser ma présence |
Sans accuser aussi votre peu de constance.
LAURETTE.
Je ne vous connais point.
FRANCION.
Voyez, voyez mes yeux.
Et peut être à la fin vous me connaîtrez mieux
Observez mes regards et leur secrète flamme
650 | Vous pourra témoigner celle que j'ai dans l'âme |
Et vous fera savoir qu'en cet heureux moment,
Que mon amour paraît sous mon déguisement.
LAURETTE.
Oui je vous reconnais, plus je le considère.
FRANCION.
Je suis.
LAURETTE.
Qui.
FRANCION.
Francion.
LAURETTE.
Ah ! Dieux se peut-il faire
655 | Oui, c'est toi que je vois paraître dans ces lieux |
Cher auteur de mes feux.
FRANCION.
Beau chef-d'oeuvre des Cieux
Ah ! Je meurs de plaisir.
LAURETTE.
Ah ! Je pâme de joie
Rendons grâce à l'amour du bien qu'il nous envoie.
FRANCION.
Mais après tout mon amour, vous m'avez méconnu.
LAURETTE.
660 | Pour trop penser à vous cela m'est advenu |
Car mon âme employée à garder votre image
N'assistait point mes yeux pour voir votre visage.
FRANCION.
Ah ! Ne me flattez point.
LAURETTE.
Je dis la vérité.
ANSELME.
Monsieur retenez-vous dans cette extrémité
665 | Ne vous échauffez pas craignez la pleurésie, |
Et modérez l'ardeur dans votre âme est saisie.
Ou si vous désirez aller au monument
Léguez-moi tous vos biens, faites un testament.
FRANCION.
Mais Dieux quelqu'un s'approche.
ANSELME.
Ah !
LAURETTE.
C'est ma Catherine.
FRANCION.
670 | Qu'as-tu ? |
ANSELME.
Je suis blessé par l'enfant de Cyprine. |
Ou plutôt par cet oeil vrai soleil éclatant.
SCÈNE V.
Laurette, Francion, Anselme, Catherine.
LAURETTE.
Que viens-tu dire ici.
CATHERINE.
Que Monsieur vous attend,
[Le dîner est servi.] [ 19 Il semble qu'ici il manque un demi vers, car il y a une virgule à la fin du vers précédent et le demi vers suivant qui contient la rime est décalé. Nous proposons : ]
LAURETTE.
Allons sans plus attendre.
ANSELME, à Catherine.
Ah ! Mon coeur je suis cuit, je n'ai pu m'en défendre,
675 | Il me faut avouer captif de ta beauté, |
Adieu grands Cabarets, adieu ma liberté
Je ne veux plus chérir que ces illustres charmes
Et je quitte le vin pour l'usage des larmes.
CATHERINE.
Si vous voulez parler expliquez-vous donc mieux.
ANSELME.
680 | Je dis que je suis pris à la glu de tes yeux. |
CATHERINE.
Par ce galimatias que me voulez-vous dire.
ANSELME.
Que vous m'avez charmé.
CATHERINE.
Voire.
ANSELME.
Il n'en faut point rire.
CATHERINE.
Vous m'obligez par trop de me vouloir du bien :
Mais ce bonheur est tel que je n'en croirai rien.
ANSELME.
685 | Ma chère dulcinée ah tu le peux bien croire |
Si je ne te chéris que je meure sans boire,
Et que mon estomac se remplisse de vent
Au lieu des bons morceaux qu'il reçoit si souvent.
CATHERINE.
Après un tel serment je vous tiens véritable.
ANSELME.
690 | Mais allons donc dîner. |
CATHERINE, bas.
Entretien délectable |
Ce fou me prend pour fille et se méprend au point
De n'estimer en moi que ce que je n'ai point.
ANSELME, bas.
Elle croit que j'en tiens mais elle est bien trompée.
En pensant m'attraper elle s'est attrapée,
695 | Puisque je ne me sers de cette invention |
Qu'afin de m'informer de son intention.
Que pour la détourner de découvrir mon maître,
Et pour lui mieux cacher tout ce qu'il en peut être,
Amour je ne suis point au rang de tes vaincus.
700 | Et je ne tiens de loi que de celle de Bacchus. |
ACTE III
SCÈNE I.
Valantin, Francion, Anselme.
FRANCION.
Découvrez-moi Monsieur avec toute assurance
En quoi vous désirez d'employer ma science,
Et je vous ferai voir avec des prompts effets
Que je sais m'acquitter des biens que l'on m'a faits.
VALANTIN.
705 | Dois-je ou ne dois-je pas lui dire ma faiblesse. |
FRANCION.
De grâce apprenez-moi quelle douleur vous presse
Je ne puis autrement vous donner de secours.
VALANTIN.
Bientôt sa violence abrégera mes jours.
FRANCION.
Montrez-vous plus constant ne perdez point courage
710 | Votre pouls va fort bien vous avez bon visage, |
Vous n'êtes pas si mal que vous imaginez
Et c'est hors de propos que vous vous étonnez.
VALANTIN.
Quand je pense parler de l'ennui qui me touche.
La honte me retient et me ferme la bouche,
715 | Je demeure confus et je souhaiterais |
De n'avoir jamais eu l'usage de la voix.
FRANCION.
Si vous voulez guérir bannissez cette honte
Il n'est point d'accident qu'un grand coeur ne surmonte,
Un homme généreux n'est jamais abattu
720 | Et ce sont ses malheurs qui font voir sa vertu. |
VALANTIN.
Faisons donc un effort puisqu'il faut que je die
Pour avoir guérison quelle est ma maladie.
ANSELME.
Qu'il se fait bien prier, qu'il fait bien le discret
Le vieux dogue est atteint de quelque mal secret,
725 | Pour avoir visiter les lieux où l'on exerce |
D'amour et de Vénus l'agréable commerce,
Pour moi je fais la nique à tous les jeux d'amour
Et ce n'est qu'au bon vin à qui je fais la cour.
FRANCION.
Monsieur encor un coup dissipez cette crainte.
730 | Qui vous donne la gêne et vous tient en contrainte |
Si votre mal est tel qu'on le doive celer
J'ai le don de me taire et de dissimuler.
VALANTIN.
Mon Maître, vous saurez que les yeux de Laurette,
Firent naître en mon sein une flamme secrète,
735 | Et qu'insensiblement cette jeune beauté |
S'acquit un grand pouvoir dessus ma volonté
Conduit par mon amour je l'allai voir chez elle
Mais jusqu'au dernier point je la trouvai rebelle.
En vain je l'entretins de mon affection
740 | Car je ne peux gagner son inclination, |
Hors d'espoir de fléchir son courage sévère
J'employai mes efforts pour m'acquérir sa mère,
Elle dont l'avarice était l'âme et le dieu
Qui connaissait fort bien que j'étais de bon lieu, [ 20 Bon lieu : Bon lieu, la bonne société, la société opulente. [L]]
745 | Qui savait mes moyens et l'âge de sa fille |
Me prit pour le support de toute sa famille
Bref étant accordé notre hymen s'accomplit
Et pour le consommer on nous met dans le lit,
Là cette belle attend avec impatience
750 | De faire une agréable et douce expérience, |
Des innocents transports et des chastes plaisirs
Dont les nouveaux époux contentent leurs désirs,
Mais je suis auprès d'elle aussi froid qu'une souche
En vain sa belle main me caresse et me touche,
755 | En vain par ses baisers elle croit m'émouvoir |
En cette occasion ils manquent de pouvoir.
ANSELME.
Monsieur permettez-moi d'occuper votre place,
Lors puissé-je mourir si je ne la terrasse
Et si je ne lui montre en ce même moment
760 | Qu'en la guerre d'amour j'attaque vaillamment. |
FRANCION.
Taisez-vous.
VALANTIN.
Un dépit me saisit le courage
Je peste contre moi, je déteste j'enrage,
J'accuse le destin la nature et les Dieux
Et je prends à partie et la terre et les Cieux.
765 | Aux premières clartés de l'aurore naissante |
Laurette sort du lit toute triste et pleurante,
Une extrême colère éclate sur son front
Et me fait justement redouter un affront.
ANSELME.
Si l'on peut du discours et des traits du visage
770 | Tirer de l'avenir un assuré présage |
Ce vieillard portera dessous ses cheveux blancs
Plus de corne qu'un boeuf, ou qu'un Cerf de sept ans.
VALANTIN.
Ensuite j'ai tenté toute chose possible
Pour ranimer mon corps et le rendre sensible,
775 | Je n'ai presque mangé que des culs d'artichauts |
Que des myrabolans qui sont bien aussi chauds, [ 21 Myrabolan : est aussi une espece de prunes semblables en figure à des dattes d'Egypte, qui fortifient et resserrent. [F]]
J'ai pris la cantharide et la verte pistache [ 22 Cantharide : Espèce de mouche venimeuse. [Acad 1762] Réduit en poudre la cantharide était utilisé autrefois comme aphrodisiaque.]
Sans que mon mal pourtant en ait de relâche.
J'ai bien souvent usé de graisse de sanglier,
780 | De présure de lièvre et d'huile de laurier. |
J'ai pris huit jours durant en formes de pilules
D'un renard amoureux les tendres testicules,
Et j'ai bu mille fois de la décoction
Desguine de nepite, et de satyrion, [ 23 Satyrion : Plante qui est une espèce d'orchis, dont les feuilles sont larges, grasses, presque semblables à celles du lis. [T]]
785 | Mais mon mal est si grand que le meilleur remède |
N'a pu m'en délivrer ni me donner de l'aide
Et si votre savoir ne me peut secourir
Je suis hors de dessein et d'espoir de guérir.
FRANCION.
Monsieur en vérité vous êtes fort à plaindre
790 | Car pour ne point mentir et pour ne vous rien feindre, |
Les remèdes humains ne peuvent soulager
Le mal de qui les Dieux vous veuillent affliger.
VALANTIN.
Ô Malheur sans pareil, ô sentence mortelle.
ANSELME.
Agréable entretien.
VALANTIN.
Si ma disgrâce est telle
795 | Je vais pour avancer l'heure de mon trépas ; |
Du sommet de ce roc m'élancer jusqu'en bas
Je vais dès cet instant la tête la première
Me jeter dans ce gouffre ou dans cette rivière.
Mais vous qui pratiquez tant de secrets divers
800 | Vous à qui la nature et les Cieux sont ouverts, |
Je vous prie à genoux par l'illustre écarlate [ 24 Écarlate : Les Cardinaux, les Présidens, les Conseillers sont vêtus d'écarlate. [L]]
Du fameux Galien, et du grand Hippocrate,
Et par cent écus d'or qui seront votre prix
D'apaiser le tourment qui trouble mes esprits.
ANSELME.
805 | Monsieur donnez-les-moi, n'en soyez plus en peine |
Je guéris votre mal en moins d'une semaine.
Mon maître ne sait pas ce secret comme moi
Ce n'est qu'un ignorant.
VALANTIN.
Qu'il est plaisant.
FRANCION.
Tais-toi,
Finissez votre plainte et tarissez vos larmes,
810 | Je vous assisterai par le pouvoir des charmes |
Oui, vous en guérirez si vous avez le coeur
D'affronter les Démons et de vaincre la peur.
Mais sans vous amusez de des discours frivoles
Les effets dedans peu prouveront mes paroles,
815 | Puisque tout est possible aux savants comme moi. |
VALANTIN.
Ne m'en assurez plus mon maître je vous crois.
FRANCION.
Quand je l'ai commandé l'on brûle sous l'Arctique
Et l'on tremble de froid sous la ligne écliptique, [ 25 Écliptique : Terme d'astronomie ancienne. Orbite que le soleil paraît décrire annuellement autour de la terre. [L]]
Le clair astre du jour se lève en Occident
820 | Perd toute sa lumière et cesse d'être ardent, |
Sans crainte et sans danger l'on marche dessus l'onde,
La terre se va mettre hors du centre du monde,
Le feu n'est plus subtil, l'air produit des poissons
Et le sein de Neptune est couvert de moissons,
825 | Je fais d'une vallée une haute montagne |
Et d'un mont orgueilleux une rase campagne,
J'arrache d'un seul mot les étoiles des Cieux
Et je suis obéi des Démons et des Dieux,
Mais pour vous témoigner que je suis véritable
830 | Je vais vous raconter une histoire notable, |
Qui vous fera savoir qu'il n'est rien ici-bas
Qui puisse résister quand je ne le veux pas.
Comme nous traversions l'Empire du Mexique
Je vis à l'impourvu la femme du Cacique [ 27 Cacique : C'est le nom général que les Espagnols ont donné à tous les Princes, Seigneurs, et petits Rois de toutes les terres de l'Amérique. [F]] [ 26 Impourvu : Terme vieilli. Non prévu. [L]]
835 | Et je conçus pour elle un feu si violent |
Que celui du Vésuve est beaucoup moins brûlant,
De toutes les beautés c'était le prototype
Et la mer est plus calme à l'endroit de l'Euripe, [ 28 Euripe : Détroit de mer entre la Béotie et l'Ile d'Euboée, ou Nègrepont, où les courans sont si violents, qu'on dit que la mer y flue et reflue sept fois par jour. [T]]
Que n'était mon esprit lorsque son oeil divin
840 | Porta le trait d'amour jusqu'au fond de mon sein. |
Je vous dirais plutôt le nombre des areines
Qui flottent sur les bords des marinières pleines,
Et le nombre des pleurs que versent les amants
Que de vous raconter celui de mes tourments,
845 | Je devins tout pensif et tout mélancolique |
Je parus aussi sec qu'un mort ou qu'un étique,
Sans m'anatomiser on eût compté mes Os
Et de nuit et de jour je vivais sans repos,
Mais lassé de pousser des soupirs et des larmes.
850 | Enfin je fus contraint de courir à mes charmes, |
Et ce divin objet d'amour et de beauté
Perdit en moins d'un jour toute sa cruauté,
Par leur secret pouvoir elle finit ma peine
Elle fut mon esclave au lieu d'être ma Reine,
855 | Et quand j'en eus tiré ce que je désirais |
Je croyais la quitter comme je l'espérais,
Mais elle abandonna le Sceptre et la Couronne
Pour jouir de ma vue et servir ma personne,
Elle me voulut suivre et quittant ses habits
860 | Courut avecque moi les plus lointains pays, |
Suivi de cette belle et charmante compagne
J'exerçai ma science en la nouvelle Espagne,
Province en mille endroits pleine de mines d'or,
Et dont chaque habitant possède un grand trésor,
865 | Ensuite je passai dans la Californie |
Delà dans la Floride, et dans la Virginie,
Et voulant retourner en ces aimables lieux,
Où je vis en naissant la lumière des Cieux,
Je me mis sur la mer mais quittant le rivage
870 | Le Ciel nous menaça d'un violent orage, |
Un soudain tourbillon s'élève dessus l'eau
Et jusqu'en Danemark emporta mon vaisseau,
J'allai de ce pays dedans la Moscovie
Après je visitai la Cour de Cracovie,
875 | Celle de l'Archiduc et de ce grand Seigneur |
Qui remplit quand il veut l'Europe de frayeur,
Partout où je passais cette amante idolâtre
Sans songer à son rang montait sur mon Théâtre,
Et sans aucun dessein ses beautés enchantaient
880 | Et le coeur et les yeux de ceux qui m'écoutaient, |
Plus que je ne voulais j'avais de la pratique
Chacun de tous côtés courait à ma boutique,
Et je débitais seul plus de médicaments
Que cent Opérateurs, et que cent Charlatans,
885 | Une fois le Sultan la vit dedans Byzance |
Aussitôt il l'aima, mais avec véhémence,
Pour apaiser sa flamme il la voulut avoir
Et pour la conserver je manquai de pouvoir,
Le cruel me l'ôta de puissance absolue
890 | Et causa son trépas en l'ôtant de ma vue. |
ANSELME.
Mon Maître dites tout, et confessez ici
Que ses filles d'honneur la suivirent aussi,
Et que les doux attraits qu'on voit en mon visage
Firent naître en leurs coeurs et l'amour et la rage,
895 | Qu'après m'avoir cent fois supplié vainement |
À la fin la rigueur les mit au monument,
Jamais vous le savez je ne leur voulus plaire
Car elles n'avaient rien qui me pût satisfaire,
Moi qui suis délicat et qui ne puis aimer
900 | Que les grandes beautés qui peuvent me charmer. |
FRANCION.
Après avoir charmé cette puissante Reine
Et fait naître l'amour au milieu de la haine,
Quelque sort votre mal vous pouvez bien songer
Que puisque je le veux je le puis soulager.
VALANTIN.
905 | Mon maître dites-moi ce qu'il faut que je fasse |
J'aurai plus qu'il ne faut d'assurance et d'audace.
FRANCION.
Trouvez-vous seulement dans ce bois écarté
Des habitants d'ici rarement fréquenté,
Mais que nul ne vous suive et ne vous accompagne.
VALANTIN.
910 | Je veux faire semblant d'aller à la campagne. |
Car ma femme croirait qu'elle vient à propos
Tâchons de l'abuser ma Laurette deux mots.
SCÈNE II.
Valantin, Francion, Laurette, Anselme.
LAURETTE.
Monsieur que vous plaît-il.
VALANTIN.
Mon unique pensée
Je t'apprends qu'une affaire importante et pressée
915 | M'oblige de partir tout promptement d'ici. |
LAURETTE.
Dieux que me dites-vous.
VALANTIN.
N'en soit point en souci
Je n'emploierai qu'un jour en ce petit voyage
Veille bien cependant dessus notre ménage.
LAURETTE.
Si l'amour et le Ciel exaucent mes souhaits
920 | Tu partiras bientôt, et ne viendras jamais. |
FRANCION.
Monsieur attendez-moi dans mon hôtellerie
Je veux parler à vous.
VALANTIN.
Je m'y rends.
FRANCION.
Je vous prie.
LAURETTE.
Au moins auparavant vous recevrez de moi
Cet amoureux baiser pour témoin de ma foi.
VALANTIN.
925 | Avant qu'il soit deux jours ainsi que je l'espère |
Je t'en ferai goûter qui te pourront mieux plaire,
Et qui par leurs douceurs te paieront doublement
Le temps que près de toi j'ai vécu lâchement.
LAURETTE.
Si près du monument les baisers sont de glace
930 | Mais les miens ne le sont qu'alors que je l'embrasse. |
Car mon ardeur s'éteint aussitôt qu'il paraît
Et quand il est absent c'est lors qu'elle s'accroît
SCÈNE III.
Laurette, Francion, Anselme.
FRANCION.
Connaissez maintenant comme tout nous seconde,
Puisqu'il laisse en mes mains le plus grand bien du monde.
ANSELME.
935 | Monsieur considérez que vous ne tenez rien. |
Si vous le possédez et n'en usez pas bien,
Malgré tous vos souhaits l'occasion est chauve
Quand on la croit tenir c'est lors qu'elle se sauve,
C'est pour quoi ménagez ce bonheur et le temps
940 | Et quand vous le pouvez rendez vos voeux contents. |
FRANCION.
Bien bien, je recevrai l'avis que tu me donnes
Mais de grâce apprends-moi depuis quand tu raisonnes.
ANSELME.
Ne voit-on pas souvent prophétiser les fous.
FRANCION.
Mais mon ange prenant un entretien plus doux
945 | Permets pour me combler d'une extrême allégresse. |
Que je touche ton sein et le baise sans cesse
Que je pâme en tes bras de plaisirs et d'amour,
Et que tes yeux après me redonnent le jour
Que ma main soit toujours compagne de la tienne
950 | Que ta bouche me presse et se joigne à la mienne, |
Et bref que ces beaux yeux auteurs de tant de voeux
Aient pour moi des regards comme ils ont eu des feux
Bons Dieux cette blancheur ferait honte à la neige
Mais la puis-je toucher sans faire un sacrilège,
955 | Et ce rare trésor qui n'est que pour les Dieux |
Pourra-t-il contenter et mes mains et mes yeux
Ah ! Ce sein que je vois n'est qu'un rocher d'albâtre
Et c'est le profaner que d'en être idolâtre,
Mais pour ne point commettre une témérité
960 | Je ne veux seulement qu'admirer sa beauté. |
LAURETTE.
Mon coeur je suis à toi, mais toutefois n'espère
Que ce que mon honneur me permettra de faire,
J'aime ton entretien, ton aspect est bien doux
Mais non pas jusqu'au point d'offenser mon époux,
965 | Son défaut ne pourrait autoriser mon crime |
Et tout brutal qu'il est, il faut que je l'estime.
ANSELME.
La finette qu'elle est sait de quelle façon
Il faut donner sujet de mordre à l'hameçon.
FRANCION.
Tiens pour tout assuré que mon âme n'aspire
970 | Qu'à la seule vertu que son esprit désire, |
Mes feux sont violents mais leur extrémité
Ne recevra des lois que de sa volonté,
Seulement permets-moi que pendant son absence
J'aurai pour quelque temps l'honneur de ta présence.
LAURETTE.
975 | C'est ce que je voudrais, mais qu'à mon grand regret |
Nous ne saurions avoir au lieu le plus secret
Car on lève le Pont au plus tard dans une heure
Et je suis prisonnière dans ma propre demeure.
FRANCION.
Commandez à vos gens de ne le point lever.
LAURETTE.
980 | Ce moyen nous perdrait au lieu de nous sauver |
Car ils pourraient juger quelle est notre entreprise,
Puis je craindrais toujours de peur d'être surprise.
FRANCION.
Mais puisque maintenant les fossés sont sans eau
Nous pouvons bien nous voir, et le moyen est beau.
LAURETTE.
985 | Comment. |
FRANCION.
En me tendant une échelle de corde |
Que je vous enverrai.
LAURETTE.
Bien mon coeur je l'accorde
Mais à condition que tu seras toujours
Vertueux et discret jusque dans tes discours.
FRANCION.
N'en doutez nullement, mais à propos mon âme,
990 | Sache que ton époux m'a découvert sa flamme, |
Qu'il croit que mon savoir peut ranimer son corps
Qu'il m'a tout raconté ses impuissants efforts
Et que j'ai si bien feint de le tirer de peine
Qu'il se mit dans mes mains toute la nuit prochaine
995 | Pour faire des secrets qu'il estime puissants |
Afin de réchauffer ses esprits languissants.
LAURETTE.
Comment donc n'est-il pas sorti de ce village.
FRANCION.
Non mon Ange, il m'attend.
LAURETTE.
La ruse.
FRANCION.
Davantage
Il m'a voulu donner quelque cent écus d'or
1000 | Pour les erres d'un cent qu'il me promet encor, [ 29 Erre : (arrhes) C'est un gage qu'on donne pour sûreté de l'entretenement de quelque petit marché qu'on a fait verbalement, et qui est ordinairement une avance d'une partie du prix convenu. [F]] |
Si bien que cette nuit pour gagner ce salaire
Il faut que mon valet sache ce qu'il sait faire
Et puis quand il sera près de ce vieux jaloux
Je veux prendre mon temps pour m'approcher de vous.
LAURETTE.
1005 | Après un tel discours je n'ai plus rien à craindre |
Si ce n'est qu'après tout tu saches trop bien feindre.
FRANCION.
Quand il s'agit de vous j'ose et j'entreprends tout
Et je ne connais rien dont je ne vienne à bout.
ANSELME.
Pour moi je ferais tout quand Bacchus me gouverne.
1010 | Mais j'entends pour dompter cent piliers de taverne |
Et pour leur faire voir en un combat de vin
Que je suis invincible ayant le verre en main
C'est là mon élément, c'est là que je soupire
Que je vois tous les jours le bonheur où j'aspire.
1015 | Et que sans être assis à la table des Dieux |
Je goûte du nectar qu'ils boivent dans les Cieux.
SCÈNE IV.
Francion, Anselme.
FRANCION.
Anselme c'est ici qu'il faut faire paraître
Si tu pourras servir adroitement ton maître
Il s'agit aujourd'hui d'abuser un jaloux
1020 | De vaincre ce dragon qui se présente à nous, |
Et de charmer ses yeux avec tant d'artifice
Qu'il nous rende des voeux pour un mauvais office.
ANSELME.
Quoi Monsieur doutez-vous de ma sincérité.
Ne vous souvient-il plus de ma dextérité,
1025 | Et l'amour qui vous tient sous son pouvoir extrême |
Vous fait-il oublier que je suis votre Anselme.
FRANCION.
Non.
ANSELME.
Ne parlez donc pas n'ayez souci de rien
Si j'ai si bien commencé je finirai fort bien,
Et quand j'aurai goûté du jus de la bouteille
1030 | Tenez pour assuré que je ferai merveilles, |
Que je vous servirai comme vous désirez
Et bref que tout ira comme vous l'espérez
Retournons seulement en notre hôtellerie
Apaiser mes boyaux et mon ventre qui crie.
1035 | Ah que la faim me cause un tourment sans pareil. |
FRANCION.
Mais encor.
ANSELME.
Le souper nous donnera conseil
Lorsque je serai saoul je vaincrai mille obstacles,
J'aurai l'esprit plus vif je ferai des miracles.
Et les vapeurs du vin me montant au cerveau
1040 | Rendront mon jugement et plus clair et plus beau. |
FRANCION.
Au contraire je crains que le vin t'assoupisse.
ANSELME.
Non non, ne craignez point que je ne réussisse
Il n'est rien qui m'endorme après un bon repas
J'en suis toujours plus gai.
FRANCION.
Je ne t'en réponds pas.
ANSELME.
1045 | Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'en semblable occurrence |
Vous connaissez ma force et mon expérience,
Si quelqu'un en buvant reste sans jugement
Il montre qu'il n'est pas de mon tempérament,
Allons sans différez et perdez toute crainte.
FRANCION.
1050 | Viens. |
ANSELME.
Éteindre la soif dont ma bouche est atteinte. |
SCÈNE V.
Petit Jacques, Marsault, Olivier, Catherine.
CATHERINE.
Oui, vous me trouverez à la basse fenêtre,
Je jetterai l'échelle en vous voyant paraître,
Mais surtout ne venez qu'au milieu de la nuit
Et rendez-vous ici sans parole et sans bruit.
PETIT JACQUES.
1055 | Par un coup de sifflet tu sauras qui nous sommes. |
CATHERINE.
Nous serons aujourd'hui le plus heureux des hommes
Tout rit à nos souhaits, tout seconde nos voeux,
Et nous tenons enfin la fortune aux cheveux.
Car comme je t'ai dit rien ne nous saurait nuire.
1060 | Si nous avons le coeur de nous y bien conduire |
Le maître en est dehors et ses gens loin de lui
Pour prendre du bon temps dormiront aujourd'hui,
De plus comme sa femme est amoureuse et belle
Nous n'avons pas sujet d'appréhender pour elle,
1065 | Son humeur dessus tout estime le repos |
Et nous ne pouvons prendre un temps plus à propos
Surtout que ce gaillard soit discret et fidèle.
PETIT JACQUES.
Nous le ferons monter le premier à l'échelle
Afin que pour le moins il nous apporte en bas,
1070 | Tout ce que tu prendras. |
OLIVIER.
Je n'y résiste pas |
Je vous obéirai de toute ma puissance.
MARSAULT.
Va tu n'en auras pas mauvaise récompense
Tu prendras comme nous une part au butin.
OLIVIER.
Ah ! Dieux à quel malheur me réduit le destin
1075 | Pourquoi loin de flatter ces monstres exécrables, |
Ne les puis-je punir et traiter en coupable
Mais quoi mon mauvais sort me contraint d'obéir.
PETIT JACQUES.
Que dis-tu là tout bas, nous voudrais-tu trahir.
OLIVIER.
Non Messieurs je songeais à cette heure opportune
1080 | Où nous partagerons une égale fortune, |
Ah ! Que le temps me dure et que j'ai de désir
De bien récompenser un si lâche loisir,
Et de vous témoigner en mon apprentissage
Que je ne manque point de zèle et de courage.
MARSAULT.
1085 | Enfin il s'y résout. |
CATHERINE.
Il est joli garçon. |
OLIVIER.
Oui, j'y suis résolu d'une telle façon
Que loin de répugner à suivre votre envie,
Je me meurs du désir de prodiguer ma vie
Et d'agir devant vous par des coups si hardis
1090 | Qu'on sache que j'en fais bien plus que je n'en dis. |
PETIT JACQUES.
Le voilà comme il faut.
CATHERINE.
L'espoir du gain l'emporte.
OLIVIER.
Dieux que le temps est long que mon ardeur est forte.
PETIT JACQUES.
Doncques en attendant ce moment précieux
Allons-nous-en souper et boire à qui mieux mieux.
MARSAULT.
1095 | Le butin de ce soir paiera notre dépense. |
CATHERINE.
Allez je vous attends avec impatience.
ACTE IV
SCÈNE I.
Francion, Anselme.
FRANCION.
Enfin la nuit est sombre, et son obscurité,
Plaît bien plus à mes yeux que ne fait sa clarté,
C'est dessous ces brouillards que je verrai ma belle
1100 | Que je pourrai sans peur discourir avec elle, |
Et guidé de l'amour qui se rend mon vainqueur
J'oserai librement lui découvrir mon coeur.
ANSELME.
Hé bien encor un coup suis-je bien de la sorte
FRANCION.
Oui mais prends garde à toi car il temps qu'il sorte
1105 | Il faudra peu de temps pour achever son vin |
ANSELME.
Monsieur je veillerais plutôt jusqu'à demain
Si tu ne réussis ainsi que je l'espère,
Je veux passer pour sot et par devant Notaire.
FRANCION.
Parle moins et fais plus.
ANSELME.
N'ayez aucun souci
1110 | Si tôt qu'il reviendra je sortirai d'ici. |
Et s'il n'est tourmenté plus qu'un matou qu'on berne
Ne permettez jamais que j'aille à la Taverne
FRANCION.
Et bien je le ferai.
ANSELME.
Il n'est point de lutin
Qui puisse mieux que moi sangler ce vieux mâtin
1115 | J'ai trop d'inventions, et je crois que les Diables, |
Pour punir les damnés n'en ont pas de semblables
Ayez soin seulement.
FRANCION.
Je te rendrai content
Mais je m'en vais trouver mon soleil qui m'attend,
Je ne puis sans mourir différer davantage
1120 | Adieu. |
ANSELME.
Mais ce soleil est couvert d'un nuage |
Car j'ai beau regarder et je ne le vois point
Ah ! Qu'un homme amoureux est sot au dernier point.
SCÈNE II.
ANSELME, en montrant les étoiles au doigt.
Mais tandis qu'il viendra le Ciel en ce beau voile
S'offre de m'exhiber jusqu'à la moindre étoile
1125 | Je vois vers le milieu le vaillant Orion |
La pertuisane au poing attaquer le Lion,
Là le bouvier monté dessus le dos de l'Ourse
Alentour de l'essieu fait sa tardive course,
Ici paraît le Signe avec le Violon
1130 | Dont se servait jadis mon cousin Apollon, |
En ce lieu Cassiopée et la triste Andromède
Du fils de Danaé semble implorer l'aide, [ 30 Danaé : Fille d'Acrisius, Roi d'Argos, fut enfermée fort jeune dans une tour d'airain. Jupiter devenu amoureux de cette Princesse, se changea en pluie d'or, et la rendit mère de Persée. [T]]
Tout contre est la Couronne un peu plus haut l'Archer
Veut contre les poissons ses flèches décocher,
1135 | Ah ! Voici le Serpent que combattit Hercule |
Le Lièvre qui s'enfuit devant la Canicule,
Le vaisseau qui vogua le premier sur les eaux
Et la Vierge qui joue avecque les Jumeaux,
Mais trêve à ces beaux mots car si quelqu'un m'écoute
1140 | Trompé par ce beau style, il pensera sans doute, |
Que je suis mieux versé dans l'art des Orémus
Que défunt Jean Petit ou que Nostradamus.
Que d'Eustache Noël ses secrets je possède
Que le jeune Troyen en doctrine me cède,
1145 | Et que j'ai mille fois pratiqué les leçons |
Du Célèbre Belot Curé de Millemonts,
J'ai servi quelques mois un pédant d'importance [ 31 Pédant : Terme de mépris. Celui qui enseigne les enfants. [L]]
C'est lui qui m'a montré cette haute science,
Ce ne fut pas gratis je le payai fort bien
1150 | Car pour tout mon service il ne me donna rien |
Mais j'entends quelque bruit dans ce feuillage sombre,
Et j'aperçois quelqu'un s'avancer parmi l'ombre,
Je ne suis point trompé c'est notre Valantin
Qui vient pour terminer son malheureux destin.
SCÈNE III.
Valantin, Anselme.
VALANTIN.
1155 | Le fils Latonien las d'éclairer le monde [ 32 Latonier : de Latone, Nom propre d'une Déesse de l'Antiquité. Elle était fille du Titan Cocus, et de Phoebé sa soeur. [T]] |
Se repose à présent dedans le sein de l'onde,
Pour prendre un peu d'haleine après tant de travaux
Et modérer l'ardeur de ses brûlants chevaux,
Déjà l'humidité de sa casaque obscure
1160 | Couvre le vaste corps de l'antique nature, |
Et verse sur les yeux de tous les animaux
Du jus pesant et froid de ses tristes pavots,
Les vents ne soufflent plus avecque violence.
Les crapauds de ces lieux observent le silence.
1165 | Les chiens n'aboient plus et les discrets échos |
Ne sauraient répéter les derniers de mes mots.
ANSELME.
C'est lui n'en doutons plus, ô l'étrange posture
L'agréable démarche et la belle figure,
Que mon maître m'oblige à jeûner aujourd'hui
1170 | S'il est monstre en enfer plus difforme que lui, |
Et s'il ne peut passer pour quelque mascarade,
Qui va porter momon ou donner sérénade, [ 33 Momon : Mascarade. [L]]
Il tient une baguette et prononce tout bas
Des mots qu'il tient de moi mais que je n'entends pas
1175 | En Grèce on le croirait héritier de Médée |
On l'estimerait Mage au pays de Chaldée,
Renault de Montauban le prendrait pour Maugis
Et pour Archélaüs le Gaulois Amadis.
VALANTIN.
Commençons donc ici le cerne qui me reste
1180 | Démons qui gouvernez la famine et la peste, |
Noires divinités de ce sombre séjour
Où jamais le soleil ne va porter le jour
Hôtes de l'Achéron du Styx et de l'Averne [ 35 Styx : C'était anciennement une fontaine de l'Arcadie, qui avait sa source au pied du mont Nonacris, près du lac Pénée. [T]] [ 34 Achéron : C'est le nom de plusieurs fleuves. [T]]
Qui logez les fureurs dedans votre caverne,
1185 | Et qui tenez captifs en des fers éternels |
Les malheureux esprits des hommes criminels,
Et vous errants Démons Lutins larves lémures [ 37 Lemures : Voyez LARVES. Ces deux mots avaient la même signification chez les Anciens. [T]] [ 36 Larve : Nom propre d'une Déesse des anciens Romains. C'était la Déesse des larrons, qui étaient sous sa protection. [T]]
Qui nous épouvantez par d'horribles murmures,
Vous qui nous faites voir dans le vaste des airs
1190 | Des bataillons armés des feux et des éclairs. |
Vous aussi qui gardez au profond de la terre
Avec beaucoup de soin les trésors qu'elle enserre,
Vous qui durant la nuit courez par les Forêts
Ou qu'on trouve cachés en des antres secrets,
1195 | Silènes Agypans Satyres Orcades |
Bassarides Silvains Faunes Hamadriades,
Vous qu'on tient enfermés sous des pierres d'anneaux
Vous qui calmez l'orage et qui troublez les eaux,
Amphitrite Thétis Protune Néréides
1200 | Lemniades Tritons Naïades Exphrocides. |
Vous qui nous incitez à faire tant de mal
Et qui nous paraissez au travers d'un cristal
Enfin vous qui hantez dedans les cimetières,
Et qui cherchez les morts jusques dedans leurs bières,
1205 | Auteurs de la Magie esprits pernicieux |
Qu'un orgueil effroyable a fait tomber des Cieux
Si je me sui lavé d'une eau sale et bourbeuse
Si j'ai versé le sang d'une brebis galeuse,
Si je me suis tourné trois fois vers le matin
1210 | Et trois fois vers l'endroit où les jours prennent fin, |
Si j'ai frappé la terre avec un pied superbe
Si je trace à propos ces cernes dessus l'herbe
Et si de tous mes voeux je me suis acquitté
Guérissez-moi bientôt de mon infirmité
1215 | Et m'accordez bientôt la libre jouissance |
De ce bien sans pareil que j'ai sous ma puissance.
ANSELME.
Je vais pour effrayer cet insigne poltron
Exécuter mon ordre et feindre le démon,
Certes si je l'étais l'aimable Proserpine
1220 | À son Mari Pluton ferait mauvaise mine, |
Et tout ce que là-bas on trouve de beautés
Fléchiraient aisément dessous mes volontés.
Mais commençons d'agir.
VALANTIN.
Ô prodige ô merveille
Un bruit épouvantable étonne mon oreille,
1225 | Je crois que cent Démons déliés de leurs fers |
Sortent en ce moment du milieu des Enfers,
Que de monstres hideux que d'horribles fantômes
Leur nombre est bien plus grand que celui des atomes
Des espics de l'Été du sable des déserts
1230 | Et des flots que le vent élève sur les Mers, |
Une puante odeur de bitume et de souffre
Est sorti avec eux de leur infâme gouffre,
Tous les lieux d'alentour en sont empoisonnés
Et ces spectres affreux en sont environnés.
ANSELME.
1235 | La peur qui le saisit lui trouble ainsi la vue |
Et fait qu'il pense voir des Démons dans la nue,
Mais je gagerais bien qu'en cet étonnement
Son ponant fait décharge en son appartement. [ 38 Ponant : Ce mot est un Terme de Géographie qui signifie Occident, mais il ne se dit pas présentement par ceux qui écrivent bien, on dit Occident.]
VALANTIN.
L'un a l'aspect d'un Homme et l'autre d'une bête,
1240 | L'un a les bras coupés l'autre n'a point de tête, |
L'un est semblable aux Nains, l'autre aux plus hautes Tours
L'un s'arrête sur moi l'autre vole toujours,
L'un est armé d'un croc et l'autre d'une lance
L'un me veut offenser l'autre prend ma défense.
1245 | Cependant je ne sais ce qui doit m'arriver |
Et je suis hors d'espoir de me pouvoir sauver,
En ce douteux état je ne souffre qu'à peine
Une subite horreur me court de veine en veine,
Mon coeur plus que devant s'agite en ce débat
1250 | Sous l'effort de la peur ma constance s'abat, |
Je suis hors de moi je demeure immobile
Je pâme.
ANSELME.
De lui-même il n'est pas fort habile,
Et si pour se sauver il lui fallait courir
Il serait à présent en danger de mourir.
VALANTIN.
1255 | Mais ainsi que le bruit ma crainte se redouble |
L'air tantôt si serein s'obscurcit et se trouble,
Les Cieux deviennent noirs et sont sans mouvement
La terre toute entière endure un tremblement,
Les Astres et la Lune ont perdu leur lumière
1260 | Ce tout va retourner en sa forme première, |
La nature succombe et les quatre Éléments
Vont être anéantis par ces enchantements.
ANSELME.
La plaisante manie ?
VALANTIN.
Ah quel éclat de foudre
Je pensais tout à bon être réduit en poudre, [ 39 Tout à bon : ancien synonyme de tout de bon. [L]]
1265 | Mais si je garde encor un peu de jugement |
Ce coup ne m'a blessé que fort légèrement,
Allons donc embrasser cet arbre salutaire
Où se doit accomplir notre secret mystère,
Dussé-je ainsi serrer cet adorable objet
1270 | Pour qui seul j'ai tenté ce dangereux projet, |
Mais bons Dieux un Démon dont la forme est humaine,
Me vient lier les bras d'une pesante chaîne
Hélas qu'ai-je commis pour être ainsi traité.
ANSELME.
Ce châtiment se doit à son impiété.
VALANTIN.
1275 | Écoutez mes soupirs considérez mes larmes. |
ANSELME.
Pour avoir eu frayeur et mal usé des charmes
Nous t'avons condamné de périr en ces lieux,
N'attends point de secours des hommes ni des Dieux.
VALANTIN.
Il le faut avouer j'ai bien de l'infortune
1280 | Tout me choque, me nuit, m'afflige et m'importune |
Et je puis assurer qu'entre les amoureux
Je suis le moins coupable et le plus malheureux,
J'espérais que bientôt je pourrais satisfaire
La céleste merveille à qui je voulais plaire,
1285 | Mais par un changement que je n'attendais pas |
Me voilà sur le point d'endurer le trépas.
Médecin de douleur secours des misérables
Viens adoucie l'aigreur de mes maux déplorables,
Aussi bien le Soleil ne m'est plus qu'odieux
1290 | Haï comme je suis de la terre et des Cieux, |
Que je serais content dans l'ennui qui me tue
Si je voyais Laurette, et mourrais à sa vue.
Et si cette beauté que je chéris si fort
Témoignait par ses pleurs de regretter ma mort,
1295 | Mais puisque le destin trop contraire à ma vie |
En mon dernier moment cette faveur m'envie
D'un visage serein regardons le tombeau
Et mourons constamment pour un sujet si beau.
SCÈNE IV.
Petit Jacques, Marsault, Olivier.
PETIT JACQUES.
Cher ami tenons-nous dedans cette avenue
1300 | Ne faisons point de bruit l'heure est tantôt venue, |
Ce n'est pas loin d'ici que nous le trouverons
Et je connais l'endroit par où nous entrerons,
Il m'a tantôt marqué cette basse fenêtre
Et je crois que bientôt nous lui verrons paraître
1305 | Il n'y manquera pas n'en doutez nullement. |
OLIVIER.
Ah ! Que ne sommes-nous à cet heureux moment
L'ardeur à chaque instant s'accroît dedans mon âme.
MARSAULT.
C'est une noble ardeur que celle qui t'enflamme
Tu nous montres par là ta générosité
1310 | Et fais voir des effets dont nous avons douté. |
OLIVIER.
Ah ! Combien je prévois de portes enfoncées
De cabinets rompus de serrures forcées,
Et de coffres enlevés.
PETIT JACQUES.
Mais rentrons en ce coin.
Sitôt qu'il paraîtra nous le verrons de loin.
SCÈNE V.
LAURETTE, Laurette paraît dans une galerie.
1315 | Enfin tu ne saurais excuser ta paresse |
Le temps est expiré tu manques de promesse,
Et malgré les serments que j'ai reçus de toi
Je sais que tu n'as plus ni d'amour ni de foi,
Trop ingrat Francion dont je suis méprisée
1320 | À qui ma flamme sert de fable et de risée. |
N'attends plus de ma part que des traits de rigueur.
La haine après l'amour a pris place en mon coeur,
Et quoique tu m'as fait une légère offense
Mon esprit ne veut rien entendre en ta défense,
1325 | Innocent ou coupable il ne te veut plus voir |
Et si tu me veux plaire enfin perds ton espoir,
Mais que dis-je bons Dieux et quelle indifférence
Me vient entretenir contre toute apparence.
Quelle peur me saisit et quel dérèglement
1330 | Apporte à mon esprit un tel aveuglement, |
Ah ! Mon cher Francion je sais que je m'abuse,
Que je suis criminelle alors que je t'accuse
Que ce discours me rend très indigne du jour
Mais pardonne un péché qui vient de trop d'amour.
SCÈNE VI.
Laurette, Olivier, Marsault, Petit Jacques.
PETIT JACQUES.
1335 | Camarade entends-tu c'est lui qui nous appelle, |
Hep.
LAURETTE.
Hep.
PETIT JACQUES.
Approchons-nous, il nous a mis l'échelle
Va monter Olivier nous t'attendons ici.
OLIVIER.
Mais.
MARSAULT.
Ne perds point de temps.
LAURETTE.
Est-ce toi mon souci,
Viens vite dans mes bras approche ma chère âme,
1340 | Et modère l'ardeur dont ton amour m'enflamme, |
Viens par mille baisers contenter tes désirs
Et goûte avecque moi mille innocents plaisirs,
Quoi ? Tu ne me dis mot alors que je t'embrasse
Quand je suis toute en feu tu parais tout de glace,
1345 | Et tu me rends enfin malheureuse à ce point |
De croire assurément que tu ne m'aimes point.
OLIVIER.
Ah ! Dieux qu'elle a d'appas et qu'elle est ravissante
Prenons sans différer un bien qui se présente,
Et pour le posséder sans nul empêchement
1350 | Allons couper l'échelle ou l'ôtons promptement. |
LAURETTE.
Où fuis-tu.
OLIVIER.
Je reviens ô Dieux cette aventure
Me rend le plus heureux de toute la nature.
SCÈNE VII.
Petit Jacques, Marsault, Olivier.
PETIT JACQUES.
Sans mentir il met trop, je ne puis plus durer
Quoi qu'il puisse advenir il faut m'en assurer,
1355 | Je veux voir ce qu'il fait ou ce qui le retarde |
D'apporter le butin que l'on lui donne en garde.
MARSAULT.
Il nous trahit peut-être et nous ne savons pas
S'il ne minute point de nous perdre ici-bas.
PETIT JACQUES.
Courons donc au-devant sans tarder davantage
1360 | L'échelle tient encor montons. |
OLIVIER.
Prenons courage |
Donnons frappons sur eux.
PETIT JACQUES.
Dieux nous sommes vendus
On retire l'échelle.
OLIVIER.
Hé nous sommes perdus
J'ai les reins tout brisés.
PETIT JACQUES.
J'ai la jambe démise.
MARSAULT.
Fuyons si nous pouvons évitons notre prise
1365 | Si l'on nous peut tenir nous serons bien punis |
Et dedans peu de temps nos jours seront finis.
OLIVIER.
Après cette action qui me comble de joie
Je vais prendre le bien que le bonheur m'envoie.
SCÈNE VIII.
Catherine, Francion.
CATHERINE.
Qui que tu sois ami sauve-toi vitement
1370 | Je ne te connais point. |
FRANCION.
Écoute seulement. |
CATHERINE.
Je ne veux point savoir le sujet qui t'amène
Si je prends un bâton.
FRANCION.
Quoi.
CATHERINE.
Tu paieras ma peine.
FRANCION.
Je ne suis point un homme à traiter de bâton.
CATHERINE.
Non veux-tu l'éprouver.
FRANCION.
Si tu savais mon nom
1375 | Tu ne parlerais pas avec tant d'insolence. |
CATHERINE.
Apprends-moi donc ici quelle est ton excellence.
FRANCION.
Mon nom est Francion. Mais laisse-moi monter
Tu n'as point de sujet qui me puisse arrêter,
Ta maîtresse m'attend avecque impatience
1380 | Et tu la fâcheras par cette défiance. |
CATHERINE.
Ma Maîtresse t'attend.
FRANCION.
Oui.
CATHERINE.
Va-t'en la chercher,
Aussi bien ton aspect la pourrait empêcher,
Qu'il contente là-bas son ardeur insensée.
FRANCION.
Ah Dieux je suis en bas j'ai la tête cassée.
CATHERINE.
1385 | Mais pour avoir le bien que ce rustre attendait |
Allons-nous-en trouver celle qu'il demandait,
Cette aimable Laurette et procédons en sorte
Que j'apaise en ses bras l'ardeur qui me transporte.
Surtout ménageons bien le dessein et le temps
1390 | Afin que tôt après je retrouve mes gens. |
SCÈNE IX.
Laurette, Olivier.
OLIVIER.
Oui Madame, ils m'ont pris malgré ma résistance
M'ont volé des joyaux de grande conséquence,
Et m'ont enfin contraint après beaucoup d'efforts
De leur abandonner et mes biens et mon corps,
1395 | Et je n'ai toujours feint de plaire à leur envie, |
Qu'afin de préserver et mes biens et ma vie,
Car ils m'avaient promis de me les rendre tous
Sitôt qu'ils auraient eu ceux qu'ils voulaient de vous
Et comme j'espérais une heure favorable
1400 | Pour vous donner avis de ce dessein damnable, |
Ils se sont résolus de ne plus différer
Et j'ai pris peine en vain de vous en assurer.
LAURETTE.
C'est assez je vous crois, mais ce qui m'épouvante,
C'est ce que vous contez d'eux et de ma servante.
OLIVIER.
1405 | Ce que je vous ai dit n'est que la vérité |
Mais Madame songez à votre sûreté.
LAURETTE.
Empêchons leurs desseins rompons leur entreprise.
OLIVIER.
Disposez de ma force elle vous est acquise
Quoi qu'il puise arriver il ne m'importe point.
LAURETTE.
1410 | Non vous m'obligez trop. |
OLIVIER.
Accordez-moi ce point. |
LAURETTE.
Je crois que le meilleur pour tromper leur attente
Est d'avoir finement cette feinte servante,
De la lier. Mais Dieux, qui vient heurter ici.
SCÈNE X.
Laurette, Catherine, Olivier.
CATHERINE.
Ouvrez Madame ouvrez.
LAURETTE.
Juste Ciel la voici
1415 | Sans doute ils sont beaucoup. |
OLIVIER.
Il n'y peut avoir qu'elle |
Les autres sont tombés du haut de votre échelle,
Ils se sont retirés blessés extrêmement.
N'ayez aucune peur ouvrez assurément.
LAURETTE.
Cachez-vous donc ici. Dieux, quel sujet t'amène.
CATHERINE.
1420 | La crainte que j'avais dans la chambre prochaine |
Où je m'imaginais d'entendre des esprits.
LAURETTE.
Qui pourrait soupçonner la ruse qu'elle a pris
Hé bien que veux-tu donc.
CATHERINE.
Demeurer en la vôtre.
LAURETTE.
Tu peux si tu le veux coucher dedans une autre
1425 | Mais je ne puis souffrir personne auprès de moi. |
CATHERINE.
Votre époux s'y tient bien.
LAURETTE.
Mon époux n'est pas toi.
CATHERINE.
Madame il est bien vrai, car il est tout de glace.
Et moi je brûlerais si j'étais en sa place,
Je ne quitterais pas un bien si précieux
1430 | Et n'étant pas si vieil j'en goûterais bien mieux. |
LAURETTE.
Le sexe t'en empêche.
CATHERINE.
Ah si j'osais Madame.
LAURETTE.
Parle.
CATHERINE.
Je vous dirais dans l'ardeur qui m'enflamme.
LAURETTE.
Quoi donc.
CATHERINE, en lui montrant son sein.
Que je n'ai pas le sexe égal à vous.
LAURETTE.
Va tu mériterais qu'on t'assommât de coups
1435 | Mais pour quelque raison pourtant je te pardonne. |
Sois discret seulement.
CATHERINE.
Quel bonheur m'environne
Mais Madame prenons quelque amoureux ébats.
LAURETTE.
Attends je veux fermer la fenêtre d'en bas
Viens-t-en avecque moi.
CATHERINE.
N'en soyez point en peine
1440 | Je la fermerai bien. |
LAURETTE.
Allons prends cette chaîne |
Afin de t'attacher et de nous garantir
Après nous songerons à te faire sortir.
ACTE V
SCÈNE I.
Lubin, Léonard, Bertrand.
BERTRAND, en riant.
Qui pourrait se contraindre et empêcher de rire,
Le spectacle plaisant.
LÉONARD.
Bertrand que veux-tu dire
1445 | Et quel sujet as-tu de tant te réjouir. |
BERTRAND.
En l'état où je suis je ne te peux ouïr
Qu'il m'a semblé honteux et d'une triste mine.
LÉONARD.
Apprends-moi ce que c'est je te paierai chopine.
BERTRAND.
Du Meilleur.
LÉONARD.
Du Meilleur.
BERTRAND.
Jures-en.
LÉONARD.
Par ma foi.
BERTRAND.
1450 | Lubin raconte-lui tu le sais mieux que moi. |
LUBIN.
Nous allions moi Janot, Guillot et mon compère,
Afin de labourer aux vignes de mon frère
Quand nous sommes passés mais de fort grand matin
Par devant le Château du seigneur Valantin.
1455 | Et combien que le jour ne commençât qu'à naître |
Nous avons vu pourtant à la base fenêtre
Quelque chose de blanc qu'on a discerné mieux
Alors que le Soleil s'est levé sur ces lieux.
LÉONARD.
Hé qu'était-ce.
LUBIN.
Un garçon sous l'habit d'une fille,
1460 | Attaché par sa cotte aux barreaux d'une grille, |
Troussé jusque bien haut au-dessus des genoux
Et montrant tout à plain ce que nous montrons tous.
Tout le village y court.
LÉONARD.
Il faut que je le voie
Et que je participe à la commune joie,
1465 | Adieu jusqu'à tantôt. |
BERTRAND.
Où te trouvera-t-on. |
LÉONARD.
Dans une heure au plus tard je me rends au mouton.
BERTRAND.
Et là tu nous paieras la chopine promise.
LÉONARD.
Oui je vous la paierai sans aucune remise.
SCÈNE II.
L'Hôtesse, Francion.
L'HOTESSE.
Vous êtes fort blessé regagnons la maison,
1470 | Afin de donner ordre à votre guérison. |
FRANCION.
Chère Hôtesse ce mal ne m'est guères sensible
J'en souffre un bien plus grand qui n'est pas visible,
Et qui me tient au coeur et me presse si fort
Que sans un prompt secours je n'attends que la mort.
L'HOTESSE.
1475 | Monsieur expliquez-moi cet embrouillé mystère |
Quand vous me l'aurai dit je saurai bien le taire.
FRANCION.
Je trahirais l'objet de mon affection.
L'HOTESSE.
Monsieur assurez-vous de ma discrétion
Il n'est point en ces lieux de femme plus secrète.
FRANCION.
1480 | Tu sauras donc qu'hier j'allais trouver Laurette |
Mais je ne songe pas que l'on peut m'écouter,
Quand je serai chez toi je te veux tout conter,
Mais jusqu'à ce moment permets que je te cèle
Ce secret qui m'importe aussi bien qu'à ma belle.
L'HOTESSE.
1485 | Mon Dieu que je vous plains d'avoir ainsi passé |
Cette nuit au serein et dedans un fossé.
FRANCION.
Sitôt que je fus chu je perdis la parole.
L'HOTESSE.
Si la terre eût été plus humide ou moins molle
Vous ne me diriez pas cet insigne malheur,
1490 | Qui vous a pensé perdre et qui me fait horreur. |
FRANCION.
L'amour ce juste Dieu dont je ressens la flamme
Dans ce corps languissant a retenu mon âme
Pour terminer ma peine et mettre en liberté
Cet objet de mes voeux ce miracle en beauté
1495 | Puisque j'ai sa faveur je présume et l'espère |
Que mes desseins auront une suite prospère.
L'HOTESSE.
Vous devez venir prendre une heure de sommeil
Et mettre à votre plaie un premier appareil.
FRANCION.
Pourvu que ma Laurette ait souci de me plaire
1500 | Ce premier appareil ne m'est pas nécessaire, |
Et quand je serais même en danger de mourir
Un seul de ses regards me pourrait secourir.
L'HOTESSE.
Certes vous parlez trop allons je vous en prie
Panser votre blessure en notre Hôtellerie.
SCÈNE III.
VALANTIN, attaché à l'arbre.
1505 | Enfin le nouveau jour tout brillant de clarté. |
De l'effroyable nuit perce l'obscurité,
Et chasse devant lui des forêts les plus sombres
L'horreur et le silence aussi bien que les ombres,
Depuis qu'un noir Démon malgré tous mes efforts
1510 | Au tronc de cet ormeau m'a lié par le corps, |
Agréable Soleil, Planète toujours claire,
Que je t'ai souhaité dessus notre hémisphère,
De qui me dois-je plaindre en mon affliction.
Si ce n'est du sorcier et damné Francion,
1515 | Horreur de ma mémoire, homme plein d'artifice |
Qui sous un front serein déguisais ta malice,
Et qui faisais semblant de vouloir m'assister
Pour accroître mon mal et me mieux tourmenter,
Si je sors quelque jour de ta cruelle chaîne
1520 | Il n'est point dans l'Enfer de tourment ni de gêne, [ 40 v. 15520, l'original porte Géhenne, remplacé par gêne pour obtenir 12 pieds.] |
Qui ne soit employé à ta punition
Par ma seule puissance et mon invention,
Mais que dis-je bons Dieux et quelle frénésie
A mes sens occupés et mon âme saisie,
1525 | Imprudent que je suis je menace celui |
Qui peur m'ôter la vie et me perdre aujourd'hui.
Lui qui fait remonter des ruisseaux à leurs sources
Qui retient des torrents l'impétueuse course,
Qui donne de la crainte au souverain des Dieux
1530 | Qui tire le Soleil et la Lune des Cieux, |
Et change quand il veut avec une figure
Cet ordre merveilleux qu'on voit en la nature,
J'implore Francion, j'implore ta bonté
Donc loin de me punir comme j'ai mérité,
1535 | Et comment sont traités ceux qui t'osent déplaire |
Éteins dedans mes pleurs ta haine et ta colère.
SCÈNE IV.
Valantin, Lubin, Bertrand.
VALANTIN.
Hélas sans châtiment on ne peut t'irriter
Car je vois deux démons qui viennent m'emporter,
D'un maître tout puissant ministres effroyables
1540 | Ayez quelque pitié de mes maux déplorables |
Et ne me jetez pas en ces abîmes creux
Où pour les criminels vous allumez des feux.
LUBIN.
Bertrand c'est Valantin
BERTRAND.
Ô rencontre imprévue
Ridicule accident, mais as-tu bonne vue,
1545 | Ne te trompes-tu point. |
LUBIN.
Assurément c'est lui |
Qui crie et qui se plaint d'un violent ennui.
VALANTIN.
Puisque je ne saurais fléchir votre courage
Sur ce débile corps exercez votre rage,
Je ne me défends pas en l'état où je suis.
1550 | Et pleurer mes malheurs est tout ce que je puis. |
BERTRAND.
Qui vous a lié là d'une corde si forte.
VALANTIN.
Hélas c'est un Démon presque de votre sorte.
LUBIN.
Je crois que ce vieillard n'a pas l'esprit bien fait.
BERTRAND.
Lubin sa jalousie a produit cet effet.
LUBIN.
1555 | Remettez-vous Monsieur, dedans votre mémoire |
Et chassez loin de vous cette humeur triste et noire,
Nous sommes vos voisins, et non pas des Démons,
Et si vous le voulez je vous dirai nos noms,
Je m'appelle Lubin qui laboure vos terres
1560 | Qui vous suivis partout dans ces dernières guerres, |
Qui hante tous les jours dedans votre maison,
Lui se nomme Bertrand petit fils d'Alison
Qui travaillait pour vous la semaine passée.
VALANTIN.
Amis de tant de soins j'ai l'âme embarrassée
1565 | Que je vous estimais ce que vous n'étiez pas, |
Mais coupez mes liens et venez de ce pas
M'aider à me venger d'une excessive injure
Vous saurez en chemin toute mon aventure,
Lors que de ce fardeau je me sens alléger
1570 | Le mal que j'ai souffert me semble fort léger, |
Mais allons immoler ce traître à ma colère
Tâchons de lui donner le trépas pour salaire,
Et ressouvenons-nous du tourment qu'il m'a fait
Pour avoir plus de haine à punir son forfait,
1575 | Allons mes bons amis je paierai votre peine. |
LUBIN.
Monsieur n'y songez point.
BERTRAND.
Il est tout hors d'haleine
Il écume de rage et rumine tout bas,
Mais quoi qu'il en puisse être allons suivons ces pas.
SCÈNE V.
Laurette, Le Prévôt, et quelques Paysans.
LAURETTE.
Ne me demandez point un sujet que j'ignore
1580 | Et dont la nouveauté fait que j'en doute encore, |
Car tout ceci s'est fait cependant mon sommeil.
LE PRÉVÔT.
Ce spectacle est étrange et n'a pas de pareil
Mais sans nous amuser à ce discours frivole,
Madame permettez qu'on détache ce drôle,
1585 | Il faut l'interroger maintenant devant vous |
Et le traîner après dans la boîte aux cailloux, [ 41 On dit aussi, mais fort bassement d'un homme qu'on a mis prisonnier, qu'on l'a mis dans la boîte aux cailloux. [T]]
En son déguisement son offense s'exprime
Il est assurément complice de ce crime.
Et quand nous aurons su la vérité de lui
1590 | Il faut sans différer le punir aujourd'hui. |
LAURETTE.
Vous savez mieux que moi les lois de la Justice
C'est pourquoi commandez que l'on vous obéisse,
Emmenez ce voleur hors de cette maison
Et ne l'interrogez que dedans la prison
1595 | Je n'aurais pas le coeur de voir ce misérable |
Et je plaindrais son mal quoiqu'il fût raisonnable.
LE PRÉVÔT.
Madame je ferai ce que vous ordonnez
Détachez ce voleur et puis l'emprisonnez
Vite dépêchez, allez-y tous ensemble
1600 | Je m'y rends aussitôt. |
LAURETTE.
Mais Monsieur il me semble |
Qu'il serait à propos d'attendre Valantin.
LE PRÉVÔT.
Et quand reviendra-t-il.
LAURETTE.
Ce sera ce matin.
LE PRÉVÔT.
Et bien nous attendrons, mais en tous cas Madame
Je puis le condamner sans encourir de blâme,
1605 | Car la charge que j'ai me fait représenter |
Monsieur votre mari quand il veut s'absenter.
Mais ne le vois-je pas du bout de la prairie
Avec le Procureur de cette Seigneurie.
LAURETTE.
Ah ! Grands Dieux d'où vient-il ; vous arrivez à point
1610 | Pour voir un accident que vous n'attendiez point. |
SCÈNE VI.
Laurette, Valantin, Le Prévôt, Le Procureur.
VALANTIN.
J'ai tout su mon cher coeur et je ne suis en peine
Que pour l'amour de toi.
LAURETTE.
Cette frayeur est vaine
Grâce au Ciel ces voleurs n'ont pas bien réussi,
En ce qu'ils prétendaient de tout piller ici
1615 | La justice des Dieux a pris notre défense |
Et nous a garantis contre leur insolence.
VALANTIN.
Encore que dites-vous de cette trahison
De ce monstre caché dedans notre maison.
LAURETTE.
Que sans doute le Ciel montre bien qu'il nous aime
1620 | De nous avoir sauvés de ce péril extrême, |
Car je m'étonne fort de ce que l'inhumain
N'a point fait dessus nous quelque coup de sa main,
Qu'il n'a point pris son temps pour nous ôter la vie
Et mieux exécuter son exécrable envie.
VALANTIN.
1625 | Je m'en étonne aussi mais pour trouver l'auteur |
Je crois qu'il faut s'en prendre à notre Opérateur.
LAURETTE.
Quoi croyez-vous qu'il soit complice de ce crime.
VALANTIN.
Oui.
LAURETTE.
Mais vous en faisiez une si grande estime.
VALANTIN.
C'était quand j'ignorais quel était le dessein
1630 | Qui couvait si longtemps dans son coupable sein. |
LAURETTE.
Mais comment jugez-vous qu'il soit de ce mystère.
VALANTIN.
Par tout ce qu'il a fait.
LAURETTE.
Mais Monsieur au contraire
Il n'est venu céans.
VALANTIN.
Que pour nous épier
Qu'il soit coupable ou non je veux l'estropier,
1635 | Il m'a trop fait de mal par sa noire science |
Il m'a trop fait souffrir dans cette expérience,
Je veux absolument m'en venger aujourd'hui
Mais il faut donner ordre à m'assurer de lui.
LAURETTE.
Cependant qu'il rumine et qu'il peste et qu'il crie
1640 | Allons voir Francion dans son Hôtellerie. |
Autant pour l'avertir qu'il ait à se sauver
Comme pour lui conter ce qui vient d'arriver.
SCÈNE VII.
Valantin, Le Prévôt, Le Procureur.
LE PRÉVÔT.
Vous pouvez commander avec toute puissance
Et tirer des effets de notre obéissance.
LE PROCUREUR.
1645 | Puisqu'il est criminel et qu'il vous a trahi |
Vous n'avez qu'à parler vous serez obéi.
VALANTIN.
Je connais votre zèle et dedans ce rencontre [ 42 Rencontre est parfois parfois masculin.]
Il faut mes bons amis qu'il éclate et se montre,
Pour punir ce méchant jusqu'à l'extrémité
1650 | Qui m'a rendu le but de sa méchanceté. |
LE PRÉVÔT.
N'a-t-il point fait le vol.
VALANTIN.
En fut-il incapable
D'autres crimes plus grands le rendent punissable,
Il est Magicien et cette qualité
Veut qu'on le traite ici comme il a mérité,
1655 | Qu'on le mette au milieu d'un bûcher tout de flamme |
Pour mettre en cendre un corps dont l'Enfer aura l'âme.
LE PRÉVÔT.
Ah ! Dieux que dites-vous Monsieur il est sorcier.
VALANTIN.
De plus je ne crois pas qu'il puisse le nier
Il m'en a fait souffrir une trop grande épreuve
1660 | Mais laissons ces discours car enfin qu'on le trouve |
Il faut absolument ne perdre point de temps
Dépêchez d'appeler vingt ou trente habitants,
Afin de l'investir et le presser de sorte
Qu'il tombe dans nos mains par quelque endroit qu'il sorte.
LE PRÉVÔT.
1665 | Nous vous obéirons. |
LE PROCUREUR.
Vous serez satisfait. |
VALANTIN.
Je te punirai bien du mal que tu m'as fait
Et malgré tes Démons et tout ton artifice
Tu n'échapperas pas des mains de la Justice.
SCÈNE VIII.
Laurette, Francion, Anselme.
FRANCION, en mettant la main à sa tête.
Ne plaignez point mon mal je le trouve fort doux
1670 | Et j'en voudrais encor bien plus souffrir pour vous, |
Car lorsqu'en vous servant j'exposerais ma vie
Je la tiendrais pour vous heureusement ravie,
Et je reconnaîtrais qu'en souffrant le trépas
Tout chacun m'envierait et ne me plaindrait pas.
LAURETTE.
1675 | Ne tiens point ces discours. |
FRANCION.
Permettez-moi Madame |
De vous donner encor ces témoins de ma flamme.
LAURETTE.
Si ce sont des témoins ils sont un peu flatteurs.
FRANCION.
Non Madame croyez qu'ils ne sont point menteurs
Que si vous en voulez tirer une assurance,
1680 | Considérez un peu quelle est votre puissance |
Et vous reconnaîtrez que je ne vous dis rien
Qui ne soit véritable et qu'on ne sache bien.
LAURETTE.
Que je plains ton malheur.
FRANCION.
Ah ce discours me tue
Et rend encor un coup ma constance abattue
1685 | Madame au nom des Dieux. |
LAURETTE.
Bien mon coeur je te crois |
Mais sors vite d'ici, sauve-toi, sauve-moi.
Car tu peux bien penser que quoi qu'il advienne
En attaquant ta vie on s'attaque à la mienne,
Et que tu ne saurais tomber en ce malheur
1690 | Sans procurer ta honte et me perdre d'honneur, |
Car encor que tu sois innocent de ce crime
Dont ce vieux radoteux t'accuse par maxime, [ 43 Radoteux : (radoteur) Vieille personne qui n'a plus la force de bien raisonner. [F]]
Tu ne laisseras pas de tomber en ses mains
Et de faire arriver les malheurs que je crains,
1695 | Tu seras découvert, et je serai perdue. |
FRANCION.
Je le veux mais quel bruit s'épand dedans la rue.
LAURETTE, en regardant.
Sans doute ce sont eux qui te viennent quérir
Juste ciel il est vrai, que ne puis-je mourir.
FRANCION.
Non ne te cache point montre-toi ma chère âme
1700 | C'est aujourd'hui qu'il faut faire éclater ta flamme |
Car enfin pour quitter ce vieillard languissant
Il te faut déclarer comme il est impuissant,
Tu t'en sépareras avec fort peu de peine
Et dedans notre amour nous rirons de sa haine,
1705 | Car comme je t'ai dit et comme je l'entends |
L'hymen un mois après rendra nos voeux contents.
LAURETTE.
Je n'ose.
FRANCION.
Ah ! Ne crains point car outre la Justice
Mes amis s'emploieront dedans ce bon office
Et leurs soins confondus à mon autorité
1710 | Feront tout succéder à notre volonté. |
LAURETTE.
Mais on entre.
FRANCION.
Tiens-toi ne crains rien.
LAURETTE.
Je frissonne
Le coeur me bat au sein.
SCÈNE IX.
Francion, Laurette, Anselme, Valantin, LePrévôt, Le Procureur, L'Hôtesse, La Servante, et quelques habitants.
VALANTIN.
Saisissez sa personne.
FRANCION.
Je ne suis pas celui que vous imaginez
Regardez à deux fois.
VALANTIN.
Prenez amis prenez
1715 | Les magiques secrets qu'il a dans la cervelle |
Lui donnent quand il veut une forme nouvelle,
C'est lui n'en doutez point il vous séduit les yeux.
FRANCION.
Qu'on ne m'approche pas.
VALANTIN.
Mais que vois-je bons Dieux
Laurette auprès de lui.
FRANCION.
Retirez-vous de grâce
1720 | Ou ce bras dedans peu punira votre audace |
De quoi m'accusez-vous, que voulez-vous de moi.
VALANTIN.
Ma femme.
FRANCION.
Parle mieux elle n'est pas à toi
Il te la faudra rendre après l'avoir ravie
Et tu ne l'auras plus qu'en me privant de vie.
LE PRÉVÔT.
1725 | Monsieur écoutez-nous parlez plus doucement. |
FRANCION.
Je ne puis me tenir dans ce ressentiment.
VALANTIN.
Prenez donc ce voleur.
ANSELME.
Ah ! Dieux quelle impudence
Amis c'est un Seigneur des premiers de la France,
Vous vous repentirez de le traiter ainsi.
VALANTIN.
1730 | Tais-toi, ne parle point tu le paieras aussi. |
FRANCION.
Me traiter de voleur moi qui par ma naissance
Puis prendre impunément une entière licence,
Moi qu'on connaît partout et qui fait de la Cour
Depuis quinze ou vingt ans mon unique séjour.
LE PRÉVÔT.
1735 | Ne vous aigrissez point et dites je vous prie |
Quel sujet vous retient dans cette hôtellerie,
Votre non, votre rang, et votre qualité.
FRANCION.
Je ne vins en ces lieux que par nécessité,
Et puisqu'en ce rencontre il faut que je m'explique
1740 | Sachez que je n'ai pris le métier d'Empirique |
Qu'afin de reconnaître en toute liberté
Un point dont je voulais savoir la vérité
Et pour vous éclaircir.
VALANTIN.
Je ne veux rien entendre.
LE PRÉVÔT.
Si faut-il l'écouter avant que de le prendre.
FRANCION.
1745 | Quand je vous aurai dit que je suis Francion |
Vous me reconnaîtrez par réputation.
LE PRÉVÔT.
Oui je connais ce nom.
VALANTIN.
Sa fourbe est manifeste.
Qu'est-ce qui vous retiens.
FRANCION.
Écoutez ce qui reste
Quand donc vous aurez su mon rang et ma maison
1750 | Vous verrez qu'il m'accuse avec peu de raison, |
Et puis pour éclaircir ce que j'ai dedans l'âme
Vous saurez qu'à Paris j'ai chéri cette femme,
Et qu'elle m'engagea sa parole et sa foi
De ne prendre jamais d'autre mari que moi.
VALANTIN.
1755 | Ah ! Bons dieux que dit-il. |
LAURETTE.
Amour prends ma défense |
J'implore à cet endroit ta divine assistance.
FRANCION.
Mais comme ce vieillard l'aimait extrêmement
Il suborna sa mère, et fit si dextrement
Qu'en moins de quinze jours l'affaire fut conclue
1760 | Quoique Laurette enfin n'y fût pas résolue, |
Bref possédant un bien que je devais avoir
J'ai voulu le ravir quand j'ai pu le savoir,
Et de peur que quelqu'un ne me pût reconnaître
Je me suis déguisé.
VALANTIN.
Cela ne saurait être.
LE PRÉVÔT.
1765 | Mais puisque vous aviez sa parole et sa foi |
Que ne l'empêchiez-vous.
FRANCION.
J'étais auprès du Roi.
Et je n'en ai reçu le funeste message
Que plus de quinze jours après son mariage,
Au reste le métier dont je me suis servi
1770 | M'a fait voir un secret dont je suis tout ravi |
Car Valantin m'a dit qu'une entière impuissance
L'empêchait d'en avoir aucune jouissance
Il me l'a découvert il ne le peut nier
Et je prétends qu'il songe à se démarier,
1775 | De plus il m'a conté qu'il possédait ma belle |
Plus par la volonté de sa mère que d'elle,
Si bien qu'après cela vous devez bien penser
Qu'il ne lui reste rien que de le confesser.
VALANTIN.
Que je suis malheureux. Parlez parlez Madame.
LAURETTE.
1780 | Feignons de la tristesse. Ah malheureuse femme |
Il est vrai qu'à Paris je lui donnai ma foi
Et je meurs de regret de n'être plus à moi.
FRANCION.
Madame vous devez encore davantage
Vous pouvez voir la fin de votre mariage.
1785 | Et déclarer bientôt votre époux impuissant |
Vous séparer de lui.
LE PRÉVÔT.
N'est-il pas innocent.
VALANTIN.
Hélas mes bons amis que lui puis-je répondre
Si tout ce que j'ai dit ne sert qu'à me confondre,
Je vois bien maintenant que le Ciel me veut mal
1790 | Puisque rien ne m'oblige et que tout m'est fatal, |
Que quand je me prépare à venger un outrage
C'est lors que je suis prêt d'en souffrir davantage,
Et que je suis contraint le dépit sur le front
D'endurer sans me plaindre un si sanglant affront
1795 | Il a su de ma part quelle est mon impuissance, |
Et j'ai peur que le monde en ait la connaissance,
C'est pourquoi donc de peur de rougir doublement
J'aime mieux lui céder Laurette doucement.
LE PRÉVÔT.
Monsieur qu'en dites-vous.
VALANTIN.
Que je suis seul coupable,
1800 | Qu'il soit, qu'il soit heureux, come moi misérable |
Plutôt que d'en venir jusques au dernier point
Si Laurette le veut je n'y résiste point,
Car puisque je sais bien que j'en suis incapable
Je lui cède et lui rends.
ANSELME, bas.
Dieux qu'il est charitable
1805 | Après un tel présent il n'épargnera rien, |
S'il a donné sa femme il donnera son bien,
Allons lui demander : mais je perdrais ma peine
Car s'il a des trésors sa bourse n'est pas pleine.
LAURETTE.
Ne me demandez point si je veux ce bonheur
1810 | Lui seul me peut combler de plaisir et d'honneur, |
Et dans cette faveur que le Ciel nous envoie
Je me mets en ses mains.
FRANCION.
Et j'en pâme de joie
Monsieur vous me forcez avec cette bonté
D'être votre obligé jusqu'à l'extrémité.
VALANTIN, à l'écart.
1815 | Est-il rien de pareil au mal qui m'environne |
Je quitte ce que j'aime et de plus je le donne,
Mais quoi puisqu'il me faut toujours l'abandonner
Pour épargner ma honte il vaut mieux le donner,
Que le Ciel vous soit doux comme il me fut contraire
1820 | Et termine mes jours pour finir ma misère. |
LE PRÉVÔT.
Monsieur pardonnez-nous.
FRANCION.
Va je n'y songe plus
Mais sans nous amuser en discours superflus,
Retournons à Paris afin que la Justice
Juge de votre hymen qu'il faut qu'elle abolisse,
1825 | Afin que je possède en toute liberté |
Ce miracle d'amour et de fidélité.
LA SERVANTE.
Ah ! Dieux qui l'eût pensé.
L'HOTESSE.
Je m'en étais doutée.
LA SERVANTE.
Voilà comme il faut dire, ô qu'elle est effrontée
Maintenant qu'elle voit qu'elle n'aura plus rien
1830 | Elle vient m'assurer qu'elle s'en doutait bien. |
FRANCION.
Allons cher Valantin chasse cette tristesse
Je te veux dedans peu donner une maîtresse
Dont l'âge ou peu s'en faut égalera le tien
Et qui n'est pas trop laide.
VALANTIN.
A-t-elle de bon bien.
FRANCION.
1835 | Elle a dedans Paris trois mille écus de rente. |
VALANTIN.
Ce serait bien mon fait.
FRANCION.
Elle en sera contente.
VALANTIN.
Surtout ne dites rien.
FRANCION.
Allez je suis pour vous.
LE PRÉVÔT.
Mais pour ce prisonnier, Monsieur qu'en ferons-nous.
VALANTIN.
Puisque tout est rempli d'allégresse et de joie
1840 | Il faut qu'on l'élargisse et que l'on le renvoie. |
Il ne nous a rien pris et nous ne pouvons pas
Qu'avec trop de rigueur avancer son trépas.
LE PRÉVÔT.
Vous serez obéi j'y vais dès la même heure.
FRANCION.
Allons ne tardons plus quittons cette demeure
1845 | Et si dedans Paris nous restons tous contents |
Nous y viendrons bientôt y mieux passer le temps.
L'HOTESSE.
Dieux comme en un moment toute chose se change
Admire un peu ma fille.
LA SERVANTE.
Ô l'aventure étrange,
Je me flattais déjà d'un amour décevant.
1850 | Mais enfin vous et moi ne tenons que du vent. |
L'HOTESSE.
Que veux-tu, mais il faut en perdant leur présence
Quitter entièrement l'amour et l'espérance.
ANSELME.
Adieu cher pot pourri de mon affection
Que l'amour te console en cette affliction,
1855 | Et que ce petit Dieu dont tu ressens la flamme |
Conserve pour jamais mon portrait dans ton âme
Mon souvenir pourra soulager tes douleurs
Adieu mon petit coeur ne verse point de pleurs,
Et garde bien surtout qu'une damnable envie
1860 | Loin de moi ne t'incite à te priver de vie, |
Mais sans perdre le temps en tant de vains propos
N'ayons plus de souci de l'amour de mon Maître
Et mourons quoi qu'il en puisse être
Entre les verres et les pots.
PRIVILÈGE DU ROI.
Louis Par la grâce de Dieu Roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux Conseillers les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maître des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Baillifs, Sénéchaux, Prévôts leurs Lieutenants, et à tous autres de nos justiciers et officiers qu'il appartiendra Salut, Notre cher et bien-aimé Toussaint Quinet, Marchand Libraire de notre bonne ville de Paris, nous a fait remontrer qu'il désirerait faire imprimer une pièce de Théâtre, intitulée La Comédie de Francion, ce qu'il ne peut faire sans avoir sur ce nos lettres humblement nous réclamant icelles. À ces causes désirant traiter favorablement ledit exposant : nous lui avons permis et permettons par ces présentes de faire imprimer, vendre et débiter en tous lieux de notre obéissance ledit livre en telles marges, et en tels caractères et autant de fois que bon lui semblera durant l'espace de cinq ans entiers et accomplis, à compter du jour qu'il sera achevé d'imprimer pour la première fois, et faisons très expresses défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient de l'imprimer, faire imprimer vendre ni débiter durant ledit temps en aucuns lieux de notre obéissance sans le consentement de l'exposant, sous prétexte d'augmentation, correction, changement de titre, fausses marques, ou autres en quelque sortes et maniement que ce soit, à peine de trois mille livres d'amende payable sans déport, et nonobstant oppositions ou appellations quelconques par chacun des contrevenants, applicables un tiers à nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de notre bonne ville de Paris, et l'autre tiers audit exposant, confiscation des exemplaires contrefaits, et de tous dépens dommages et intérêts, à condition qu'il sera mis deux exemplaires dudit livre en blanc*, en notre Bibliothèque publique, et un en celle de notre très cher et féal le sieur Chevalier, Chancelier de France, avant que de les exposer en vente à peine de nullité des présentes. Du contenu desquelles nous vous mandons que vous fassiez jouir et user pleinement et paisiblement ledit exposant, et tous ceux qui auront droit de lui, sans qu'il leur soit donné aucun trouble ni empêchement, voulons aussi qu'en mettant au commencement ou à la fin dudit livre un extrait des présentes, elles soient tenues pour dûment signifiées et que foi y soit ajoutée, et aux copies collationnées par l'un de nos amés et féaux Conseillers et Secrétaires comme aux originaux. Mandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'expédition des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; car tel est notre plaisir, nonobstant clameur de Haro, Chartres Normande et autre lettres à ce contraires. Donné à Paris le 17. Jour de Février, l'an de grâce mil six cent 42. Et de notre règne le trente deuxième.
Par le Roi en son Conseil.
LE BRUN.
Les exemplaires ont été fournis.
* On appelle Livre en blanc, Les feuilles imprimées d'un livre qui n'est pas encore relié.
Achevé d'imprimer pour la première fois le dernier Mai 1641.
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Notes
[1] Occasion : Prendre l'occasion aux cheveux, saisir rapidement le moment favorable de faire quelque chose. [L]
[2] Épervier : Sorte de filet à prendre du poisson. [FC]
[3] Demeure : retard, délai [L]
[4] Tithon : Prince troyen, fils de Laomédon, et frère de Priam, était si beau que l'Aurore l'enleva pour en faire son époux. [B]
[5] Adonis : garçon extrêmement beau. [L]
[6] Fait : Il se dit aussi familièrement De la part qui appartient à quelqu'un dans un total. Il faut leur donner à chacun leur fait, pour en disposer comme ils voudront. [Acad. 1762]
[7] Pleiger : Cautionner en Justice, répondre pour quelqu'un, et s'obliger de payer le jugé. [F]
[8] Empirique : Qui ne s'attache qu'à l'expérience dans la Médecine, et qui ne suit pas la méthode ordinaire de l'Art. [Acad 1762]
[9] Aga : Interjection admirative.[F]
[10] Mâtin : Espèce de chien de garde. [FC]
[11] Hectique : Terme de Medecine. C'est une épithete qui se donne à une sorte de fievre qui est presque incurable. [F]
[12] Incube : est aussi une maladie qui est causée d'une oppression d'estomac si grande, qu'on ne peut respirer ni parler. [F]
[13] Cypris : Qui signifie proprement une femme de Cypre, mais qui ne se dit que de Vénus, à qui cette Isle étoit consacrée. [T]
[14] Douzain : Monnaie de cuivre avec quelque alliage d'argent valant un sou, ou douze deniers tournois. [T]
[15] Ulcère : Dans le XVIIe siècle, l'usage hésitait sur le genre de ce mot. M. Chapelain condamne ceux de la cour qui ont fait ulcère féminin ; il est masculin, VAUGEL. Rem. not. Th. Corn. t. II, p. 615, dans POUGENS. [L]
[16] Sophi : Nom qu'on donnait autrefois dans l'Occident au schah de Perse. [L]
[17] Farcin : Maladie des chevaux, ou des boeufs. Le farcin se gagne aisément, et est une vraie peste pour les chevaux. [F]
[18] Sternon : Terme de Medecine. Le devant de la poitrine ou du thorax, où aboutissent les côtes. [F] On écrit maintenant Sternum.
[19] Il semble qu'ici il manque un demi vers, car il y a une virgule à la fin du vers précédent et le demi vers suivant qui contient la rime est décalé. Nous proposons :
[20] Bon lieu : Bon lieu, la bonne société, la société opulente. [L]
[21] Myrabolan : est aussi une espece de prunes semblables en figure à des dattes d'Egypte, qui fortifient et resserrent. [F]
[22] Cantharide : Espèce de mouche venimeuse. [Acad 1762] Réduit en poudre la cantharide était utilisé autrefois comme aphrodisiaque.
[23] Satyrion : Plante qui est une espèce d'orchis, dont les feuilles sont larges, grasses, presque semblables à celles du lis. [T]
[24] Écarlate : Les Cardinaux, les Présidens, les Conseillers sont vêtus d'écarlate. [L]
[25] Écliptique : Terme d'astronomie ancienne. Orbite que le soleil paraît décrire annuellement autour de la terre. [L]
[26] Impourvu : Terme vieilli. Non prévu. [L]
[27] Cacique : C'est le nom général que les Espagnols ont donné à tous les Princes, Seigneurs, et petits Rois de toutes les terres de l'Amérique. [F]
[28] Euripe : Détroit de mer entre la Béotie et l'Ile d'Euboée, ou Nègrepont, où les courans sont si violents, qu'on dit que la mer y flue et reflue sept fois par jour. [T]
[29] Erre : (arrhes) C'est un gage qu'on donne pour sûreté de l'entretenement de quelque petit marché qu'on a fait verbalement, et qui est ordinairement une avance d'une partie du prix convenu. [F]
[30] Danaé : Fille d'Acrisius, Roi d'Argos, fut enfermée fort jeune dans une tour d'airain. Jupiter devenu amoureux de cette Princesse, se changea en pluie d'or, et la rendit mère de Persée. [T]
[31] Pédant : Terme de mépris. Celui qui enseigne les enfants. [L]
[32] Latonier : de Latone, Nom propre d'une Déesse de l'Antiquité. Elle était fille du Titan Cocus, et de Phoebé sa soeur. [T]
[33] Momon : Mascarade. [L]
[34] Achéron : C'est le nom de plusieurs fleuves. [T]
[35] Styx : C'était anciennement une fontaine de l'Arcadie, qui avait sa source au pied du mont Nonacris, près du lac Pénée. [T]
[36] Larve : Nom propre d'une Déesse des anciens Romains. C'était la Déesse des larrons, qui étaient sous sa protection. [T]
[37] Lemures : Voyez LARVES. Ces deux mots avaient la même signification chez les Anciens. [T]
[38] Ponant : Ce mot est un Terme de Géographie qui signifie Occident, mais il ne se dit pas présentement par ceux qui écrivent bien, on dit Occident.
[39] Tout à bon : ancien synonyme de tout de bon. [L]
[40] v. 15520, l'original porte Géhenne, remplacé par gêne pour obtenir 12 pieds.
[41] On dit aussi, mais fort bassement d'un homme qu'on a mis prisonnier, qu'on l'a mis dans la boîte aux cailloux. [T]
[42] Rencontre est parfois parfois masculin.
[43] Radoteux : (radoteur) Vieille personne qui n'a plus la force de bien raisonner. [F]