Avertissement des MUSES GALANTES. (Jean-Jacques Rousseau)

Cet ouvrage est si médiocre en son genre, et le genre en est si mauvais, que pour comprendre comment il m'a pu plaire, il faut sentir toute la force de l'habitude et des préjugés. Nourri des mon enfance dans le goût de la musique française et de l'espèce de poésie qui lui est propre, je prenais le bruit pour de l'harmonie, le merveilleux pour de l'intérêt, et des chansons pour un opéra.

En travaillant à celui-ci, je ne songeais qu'a une donner des paroles propres à déployer les trois caractères de musique dont j'étais occupé ; dans ce dessein je choisis Hésiode pour le genre élève et fort, Ovide pour le tendre, Anacréon pour le gai. Ce plan n'était pas mauvais si j'avais mieux su le remplir.

Cependant, quoique la musique de cette pièce ne vaille guères mieux que loi Poésie, on ne laisse pas d'y trouver de temps en temps des morceaux pleins de chaleur et de vie. L'ouvrage a été exécuté plusieurs fois avec assez de succès ; savoir, en 1745 devant M. le Duc de Richelieu qui le destinait pour la Cour, en 1747, sur le Théâtre de l'Opéra, et en 1761 devant M. le Prince de Conti. Ce fut même sur l'exécution de quelques morceaux que j'en avais fait répéter chez M. de La Popelinière que M. Rameau, qui les entendit, conçut contre moi cette violente haine dont il n'a cesse de donner des marques jusqu'à sa mort.

 

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